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Climat et Volcans

28 novembre 2013

INTRODUCTION

Il a fort longtemps que les hommes pensent intuitivement que les éruptions volcaniques peuvent avoir une influence sur le climat. Mais ce n’est que dans les années 1970 avec les travaux de H.H.Lamb (climatologue anglais) que nous pouvons en avoir une...
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15 février 2014

LE COSIGUINA

 

- LE COSIGUINA :

 

1835 : la grande éruption du Cosigüina : Par Désiré Corneloup

 Le 20 janvier 1835, après de multiples tremblements de terre, une formidable explosion plinienne lança dans l’atmosphère l’équivalent de 10 km3 de matières volcaniques et de cendres qui obscurcirent le ciel durant plusieurs semaines dans la région. Par comparaison le St Helens relâcha 10 fois mois de matières. La nuit fut totale pendant quatre jours sur le Salvador, le Hoduras et une partie du Nicaragua. Tout fut brûlé dans un rayon de 15 km et les pluies de cendres, accompagnés d’orages et d’éclairs, durèrent cinq à six journées. Des cendres retombèrent jusqu’en Colombie à la Jamaïque et au Mexique et du matériel volcanique fut retrouvé aux Galapagos, aux Antilles et la Mer des Caraïbles fut par endroits recouverte de ponces. Les explosions terminées, le cratère avait 3.5km de diamètre. Et pourtant ce fantastique cataclysme ne fit officiellement que 8 morts, mais la région fut complètement anéantie. Pour les habitants qui eurent à subir ces épreuves, c’était le prélude au Jugement Dernier et les processions se multiplièrent pour accueillir le Créateur et, dans le reste du Monde l’année 1835 fut appelée « année de poussière, année de misère ». Le volcan qui, avant 1835, paraissait relativement tranquille, fut décapité, sa hauteur passant de 3000 m à 900m environ. Avec le Tambora en 1815, le Krakatoa en 1883 et le Katmaï en 1812, le Cosigüina détient le record explosif des cinq derniers siècles. L’exposion du Cosigüina est l’une des rares explosions pliniennes en Amérique où dominent les émissions et explosions stromboliennes.

 Comme pour tous les autres volcans d’Amérique Centrale, le volcanisme du Cosigüina résulte de la subduction de la plaque tectonique des Cocos sous la plaque des Caraïbes.

 

Désiré Corneloup

 

A cette époque il semblerait que l’éruption du Cosigüina ait eu un impact climatique important. C’est ainsi que nous observons au niveau de la température, de la pluviosité et de la pression barométrique d’importantes perturbations, ce qui n’a pas été sans entraîner des conséquences néfastes sur les récoltes et les épidémies frappant les hommes.

 

Observations sur la température relevée à l’observatoire de Paris :

 

La moyenne du mois de janvier de l’année 1838 est de - 4.5°, c’est le mois de janvier le plus froid depuis 1757 sauf le mois de janvier 1795 où il a fait à Paris – 6.3°). La moyenne décennale est de 2°.

 Christian Pfister cité par Le Roy Ladurie note la froidure particulièrement marquée des quatre printemps des années 1837 à 1840. Déficit printanier quadriennal (1837-1840) de 2.4°C à Bâle par rapport aux moyennes locales normales. Le printemps 1839 rivalise même en fraîcheur avec celui de l’année post Tambora. L’année 1839 globalement à Londres est la plus pluvieuse entre 1839 et 1840 avec 752mm de pluie.

Ce brusque froid sibérien se traduit par une surmortalité. C’est ainsi que dans le département de la Seine-Inférieure, pour une compilation de 121 communes rurales de 66480 habitants nous enregistrons en janvier 1838, 82 décès alors que la moyenne décennale ce mois n’est que de 56.5 décès soit un pourcentage de 45 % de décès supplémentaires.

 A Rouen intra-muros, en janvier 1838 on enregistre 340 décès, alors que la moyenne décennale n’est que de 289 décès, sauf pour l’année 1832, année de la première épidémie de choléra.

 

temperature cosiguina

La Pluviosité :

 

L’année de l’éruption nous avons une sécheresse pour les mois de juin, juillet et août (septembre est pluvieux). C’est ainsi que sous l’effet de la sécheresse et de la chaleur rivières et fleuves virent leur niveau baisser considérablement. La navigation en seine devint difficile. Le paquebot Normandie allant au Havre doit s’arrêter à Quillebeuf.

 

Par contre l’année suivante, 1836, sera l’année la plus pluvieuse sur 10 ans nous avons 708 mm d’eau sur une moyenne décennale de 584,5 mm.

 

                                pluviosite paris cosiguinaGrande

 

Les épidémies :

 

Le docteur Vingtrinier, médecins des épidémies de l’arrondissement de Rouen, dont nous avons déjà parlé lors de l’éruption du Tambora a rédigé des rapports annuels sur les épidémies annuelles.

 

Constitution atmosphérique :

 

L’année 1838, c’est-à-dire l’hiver 1837 à 1838, le printemps, l’été et l’automne ont été dominés par une constitution médicale qui a favorisé ce qui s’observe rarement le développement de maladies éruptives, différentes espèces d’éruptions ont été observées dans le même temps et quelque fois ensemble sur le même sujet, toutes ont été funestes aux jeunes enfants. La constitution atmosphérique s’est développée et s’est maintenue pendant près de six mois sous l’influence d’une température froide ou sèche ou froide et humide.

 

On se rappelle que l’hiver 1837/1838 a été rangé parmi les plus longs et les plus rigoureux qui aient été observés dans notre climat. Les vents ont été presque constamment Nord Ouest, le printemps a été froid et pluvieux. Il a gelé pendant les mois d’avril, mai et juin et ce n’est qu’au milieu de juillet et pendant quelques jours seulement qu’on a ressenti la chaleur. A la fin de ce mois la température est descendue, elle est restée entre 12 et 14° pendant l’été et l’automne.

 

Maladies observées :

 

Scarlatine : Observée chez les enfants et les adultes, elle est souvent accompagnée d’angine qui la rend mortelle. Vingtrinier a vu dans une même famille huit malades, 4 enfants et 4 adultes, deux enfants sont morts.

 

Fièvre miliaire : observée en 1837, comme maladie isolée, on l’a vu compliquer des fièvres typhoïdes.

 

Variole : Elle a sévi dans la plupart des communes de l’arrondissement de Rouen. En 1838 elle a été considérable, elle a été meurtrière dans les vallées de Déville, Maromme et le Houlme.

 

Communes

Nb d’hab.

enfants

Malades

décès

Maromme

3000

250

100

50

Montigny

1200

150

45

20

Déville

1200

100

36

15

Bondeville

600

50

20

11

Le Houlme

400

32

12

6

Total

6400

582

213

102

 

 

 

 

 

 

On constate que la mortalité approche de la moitié. Vingtrinier est un partisan convaincu de la vaccination, il en fait des éloges.

 

Rougeole : En 1838 elle a été observée dans toutes les contrées de la France, comme une maladie sporadique et dans beaucoup de départements elle s’est montrée épidémique. Chez nous elle a revêtu un caractère de malignité. Nos plus anciens médecins m’ont assuré ne l’avoir jamais vue aussi meurtrière. Lépecq n’en cite qu’un seul exemple semblable et encore était-ce dans le pays de Caen, c’était en 1776. L’épidémie de 1838 est donc pour notre pays un fait rare et qu’il convient de noter comme renseignement médical.

 

Marche topographique :

 

Elle s’est montrée d’abord parmi les populations qui avoisinent la partie supérieure de la Seine en janvier et février. On l’a vu à Louviers, peu après la ville de Pont de l’Arche voisine de Louviers a eu des rougeoles et vers le milieu de février la ville d’Elbeuf est elle aussi atteinte. Le nombre d’enfants malades a été promptement considérable. Bientôt les adultes parmi lesquels les vieillards ont été gravement atteints.

 

A Rouen la grippe frappe durement, le mois de février 1837 est le plus meurtrier de la décennie, il meurt 479 personnes, soit une surmortalité de 66.90 % sur 10 ans.

 

Les décès de l’année 1838 sont équivalents à l’année du choléra en1832. 1832 = 3842, 1838 = 3818.

 

Violentes tempêtes en mer de Manche : au cours des mois d’octobre à 1836 à janvier 1837

 

Pendant 4 mois on a enregistré en Manche un temps exécrable. Dès la fin de septembre le gros temps se manifesta. C’est ainsi que dans la nuit du 27 septembre le port de Dieppe fut complètement obstrué par un banc de sable et de galets apportés par la tempête.

 

Le 12 octobre : Le Journal de Rouen informe ses lecteurs que le navire « Pierre Corneille » qui il y quelques jours était dans le port du havre et fait l’admiration de tout le monde a coulé à quelques mille de Cherbourg.

 

Le 13 octobre : on lit dans le Journal du Havre que de très nombreux navires qui attendaient dans le port depuis si longtemps le moment de mettre la voile, sont partis malgré les vents d’ouest très forts et les bourrasques presque continuelles qui ont régné pendant près d’un mois…

 

Toujours au Havre le brick français « le Claude » venant de Marseille et allant à Rouen a été drossé sur la côte de Grâce au Havre, le flot l’a submergé, l’équipage a pu quitter le navire.

 

21 octobre : On écrit de Granville (Manche) qu’une violente bourrasque a fait se heurter violemment les navires se trouvant dans le port. Ils ont éprouvé pour la plupart de sérieuses avaries. Les quais du port couvets par les vagues furieuses furent bouleversés dans plusieurs endroits jusqu’à leurs fondations.

 

22 octobre : On lit dans le journal du Havre. Les dernières tempêtes signalées dans la Manche par des accidents importants. Jamais autant d’abordages entre les navires en mer. C’est ainsi que le baleinier le « Nancy » beau et grand bâtiment de notre port était sorti le 12 octobre. Il a été abordé suite à une mer déchaînée par une goélette anglaise qui perdit tous ces mats et s’ouvrir par l’avent. Le Nancy moins touché put regagner le port de Plymouth. La goélette me put être sauvée.

 

Janvier 1837 : A la sortie du Havre six grands navires ont fait naufrage. Entre Barfleur et Igny c’est trente navires en côte. Près de St Vaast on a relevé 117 cadavres. C’est la côte toute entière couverte de noyés, de mulets, de tabac, de blé et autres marchandises…. Ce qui réveillé chez les normands un atavisme ancestral de pilleurs d’épaves…

 

 

 

Un météore dans le ciel de Caen :

 

25 octobre : On lit dans le journal Pilote du Calvados. Mardi dernier vers 8 heures du soir une lueur rougeâtre est apparut dans la direction du nord fut aperçu dans différents quartiers de la ville. On croyait à un incendie 1 on a pensé à un météore gazeux. On le décrit de la façon suivante : « La lueur transparente était d’un rouge crépusculaire assez vif. Elle occupait en hauteur environ 30 degrés et à peu près douze en longueur. Ce météore qu’il ne faut pas confondre avec une aurore boréale a été observé à Troarn et Argences, ainsi qu’à Valenciennes, Troyes, Strasbourg, Rennes et Nantes. Le phénomène n’a pas été observé à Paris ainsi qu’en Seine-Inférieure ».

 

La météo joue au « yo-yo » :

 

8 novembre : Le Journal de Rouen écrit : nous éprouvons depuis plus d’un mois au Havre un temps qui fait passer quelque fois dans l’espace d’un seul jour par tout ce que les plus mauvaises saisons ont de pire. Après avoir vu plusieurs hivers se succéder chez nous sans nous amener de glace, ou de fortes gelées, nous avons vu cette année la neige et la grêle tomber dans nos rues à la fin du mois d’octobre et à cette époque que l’on nomme communément l’été de la St Michel et chose singulière c’est que pendant que nos toits se couvraient de givre et de frimas au commencement de l’automne comme si nous avions déjà été dans le mois de janvier et février, les vents continuaient à souffler d’aval et nous amenaient du large un température assez froide que nous nous éprouvions ordinairement avec des vents d’amont dans le cœur des hivers les plus rudes. Les variations atmosphériques n’ont pas cessé au reste d’être aussi remarquables que l’inconstance de la température pendant ce bouleversement ou cet amalgame de toutes les saisons. Pendant que les vents sautaient en quelques moments du sud-ouest au nord-ouest et retombaient ensuite du nord ouest vers le sud, le thermomètre montait ou descendait de plusieurs degrés dans le même espace de temps.

 

 

 

Graphique de la mortalité des années 1831-1840 : concernant 36 départ. 314 communes (le % ne semble pas élevé, mais il ne faut pas oublié l’année de choléra 1832)

mortalité cosiguinaMoyenne

 

 

Conclusion :

 

L’éruption du 20 janvier 1835 a décapité presque les deux tiers du volcan qui n’avait pas fait beaucoup parlé de lui avant cette gigantesque explosion. Il eut manifestement un impact sur le climat. Dans les archives glaciaires du Groenland on retrouve 2 fois sa trace et 9 fois dans l’antarctique. Dès juillet 1935 la chaleur et la sécheresse sont présentent. C’est ainsi à Rouen nous n’avons pas eu une goutte de pluie en juillet et seulement 27 m/m en août. On peut dire que pendant quatre années la météo a fait des siennes ce qui n’a pas été sans conséquence sur les récoltes et la santé des humains.

 


 

29 janvier 2014

ERUPTION DU KAKATOA 1883

 

 

LE KRAKATOA :

            Le 27 août 1883 l’éruption du Krakatoa, volcan du détroit de la Sonde fut très meurtrière. En déclencha un terrible raz de marée et fit 40000 morts. Projetant 20 km3 de matières dans l’atmosphère, elle provoqua un certain nombre de phénomènes climatiques. Ce furent notamment des couchers de soleil embrasant l’horizon : à Paris fin novembre 1883, on aurait dit des incendies. Un refroidissement de la température de 0,30 ° C, un VEI de 6. Certains spécialistes affirment aujourd’hui que cette éruption aurait ralenti de trente ans le réchauffement climatique.

Camille Flammarion, astronome français, a décrit  d’une façon parfaite cette éruption : C’est ainsi qu’il informe le lecteur sur les oscillations barométriques enregistrées à Paris par l’onde de choc. (le météorologiste rouennais  Gully le signale également à Rouen)

 

 

L’ERUPTION DU KRAKATOA   : LE  PLUS GRAND PHENOMENE GEOLOGIQUE DE L’HISTOIRE

.

L’explosion du volcan de l’île Krakatoa (dans les îles de la Sonde, entre Java et Sumatra) a eu lieu le 25 août 1883. des éruptions relativement calmes avaient commencé dès le 11 , mais c’est le 25 que l’explosion volcanique pris des proportions terribles, pour atteindre le 26 son paroxysme le plus violent. Une épaisse colonne de fumée s’échappant du cratère en ébullition, s’étendit à une grande hauteur comme une vaste couronne, les cendres tombèrent du ciel et aux cendres succéda la pierre ponce, mêlée de boue. Puis  vint la nuit, une nuire noire, opaque, de dix huit heures, pendant laquelle toutes les forces aveugles de la nature unirent leur efforts pour renouveler le chaos. La mer furieuse, hurlante, se souleva. Une vague colossale s’engouffra dans le détroit, courant avec une vitesse insensée et se rua avec rage sur les terres. D’autres vagues suivirent celle-ci, non moins gigantesques, non moins furieuses, non moins destructives, poursuivant leur œuvre au milieu des ténèbres.

Quant le jour reparut enfin, pâle et blafard, ce fut pour éclairer un spectacle lamentable et effrayant. Des villes, la veille animées, vivantes, pleines de mouvement et de bruit, avaient disparu : Telok-Bétong, au fond de la baie de Lampong, dans l’île de Sumatra, et à Java, Bantam, Anjer, Tjéringin, tous les villages de la côte et la côte elle-même. L’eau s’était avances dans les terres, ne laissant émerger que les sommets des hauts monts comme autant de petites îles. Et telle avait été la force des vagues qu’elles avaient projeté sur les collines, parfois à plus de trois kilomètres dans l’intérieur, plusieurs navires, des chaudières, des locomotives. Et ce n’est pas tout. Où s’arrêtait la ligne des eaux, la cendre commençait. Toute l’île en fut couverte, la culture anéantie, les fontaines taries, les cours d’eau comblés, et les malheureux habitants, au milieu de ce désert inexorable, moururent de faim et de soif par milliers.

Pendant ce temps, des transformations non moins terribles s’accomplissaient dans le détroit de la Sonde. L’entrée des ports devenait impraticable, par suite de l’accumulation de la pierre ponce vomie par le volcan. Toutes les îles du détroit ont été plus ou moins cruellement éprouvées. La moitié des îles de Krakatoa, de Sebesie et de Seboukou se sont abîmées sous les flots. Toute la partie nord de l’île de Krakatoa a été recouverte de plus de trois cents mètres d’eau. Il n’en reste plus que la partie méridionale avec le grand pic. En même temps, seize îlots avaient surgi du fond des eaux, entre l’île de Krakatoa et celle Sebesie.

On a dit le nombre effrayant des morts causé par ce cataclysme : Quarante mille ! On est certainement resté au-dessous de la vérité, car on ne fait  pas de statistique bien précise à Java et l’on n’a pu constater toute l’étendue du désastre, le plus grand peut-être qui se soit jamais produit  depuis les temps historiques, et devant lequel, on peut le dire, l’engloutissement des antiques villes d’Herculanum et de Pompéi n’apparaît plus que comme une catastrophe de minime importance…..

 

Le tour du Monde en trente-cinq heures :

 Ce cataclysme de Java a eu un retentissement physique qui a envahi la planète tout entière ! Cette explosion volcanique a été d’une violence tellement inouïe que l’ébranlement atmosphérique causé par elle a fait le tour du monde, non pas une fois seulement mais trois fois de suite avant de ce calmer et de s’éteindre !

Tout autour d’une poussée verticale, de plus de vingt mille mètres de hauteur, parcourue par un jet formidable d’eau chaude, de vapeurs, de cendres, de pierres ponces, de poussières et chargé de tous les produits volcaniques d’une éruption  sous-marine, des ondulations immenses se sont transmises à travers l’atmosphère, comme on voit se succéder les ondes sur une pièce d’eau momentanément troublée, et de là se sont répandues sur le globe entier.

L’étude comparative des documents reçus ne laisse aucun doute à cet égard.

Lorsque cette ondulation atmosphérique est passée au-dessus de Paris, elle a fait baisser les baromètres de l’Observatoire de plus de deux millimètres. Elle est arrivée à Paris à une heure cinquante minutes de l’après-midi le 27 août, dix heures après l’éruption la plus violente, ayant marché précisément avec la vitesse du son dans l’air : 1180 kilomètres à l’heure o trois cent vingt huit mètres par seconde.

Cette première oscillation, arrivée par l’est par-dessus l’Indoustan, l’Arabie, la Perse, la Turquie, l’Autriche, n’avait mis que dix heures à venir. Mais l’ondulation se répandait circulairement dans l’atmosphère tout au tour du détroit de la Sonde. Celle qui marchait dans la direction de l’ouest est à son arrivée à Paris après avoir traversé  le Grand Océan, l’Amérique et l’Atlantique,  à quatre heures vingt minutes du matin dans la nuit du 27 au 28, c’est-à-dire quatorze heures trente minutes après la première.

Ces oscillations barométriques ont été constatées dans tous les Observatoires du monde où l’on a des appareils barométriques enregistreurs.

Mais ce n’est pas tout : le plus curieux est qu’après avoir fait une première fois le tour du monde, ces ondulations atmosphériques l’ont  fait une seconde et une troisième fois, amenant encore des dépressions barométriques à des intervalles de trente cinq heures environ.

C’est là un prodigieux phénomène sans précédent dans l’histoire de la science.

Les illuminations crépusculaires :

Le 26 novembre  1883, tout Paris, non le « tout Paris » des théâtres et des clubs, qui se compose de quatre vingt dix neuf mondains, mais le tout Paris réel, qui se chiffre par deux ou trois millions de spectateurs, et non seulement Paris, mais toute la France entière, trente ou quarante millions de spectateurs ont pu contempler avec admiration un spectacle d’une grande beauté et d’une extrême rareté. Après le coucher du soleil, le ciel s’est embrasé des flammes d’un immense incendie. C’était comme un  nouveau jour ressuscité après la disparition de l’astre solaire. L’illumination était si vive, une demi-heure après le coucher du soleil que, dans les rues affairées de la capitale, tous les passants s’arrêtaient, croyant d’abor à un incendie réel allumé dans l’ouest. De l’observatoire, du Val de Grâce, du jardin du Luxembourg, le spectacle était grandiose. De la Seine et surtout du pont des Arts, il était fantastique, les lueurs fauves se reflétaient en mille feux écarlate dans les hautes et élégantes fenêtres du Louvre et les monuments lointains se dressaient en silhouettes noires devant l’ardent crépuscule.

Dès les premiers jours de son apparition à Paris, nous apprenions que ce curieux phénomène météorologique avait été visible de la France entière, de la Belgique, de l’Allemagne, de la Suisse, de l’Italie, de la Grèce de l’Espagne, de l’Angleterre, de la Suède, de la Norvège, en un mot de l’Europe entière et bientôt nous apprenions qu’il s’était développé sur tout le tour du monde.

Retombées de fines poussières sur l’Europe :

La Gazette de Cologne du 4 janvier 1884 nous écrivait M. Max Hollnack, relate un fait qui confirme notre hypothèse, expliquant les illuminations crépusculaires par la présence d’une fine poussière dans les hauteurs de l’atmosphère. Dans la nuit du 18 au 19 décembre, il y a eu en Wesphalie, en Aggen et Lenne, une chute de neige accompagnée d’une fine poussière foncée. L’Observatoire météorologique a reçu des rapports sur ce fait curieux. Un de ces rapports daté de Gimborn, est ainsi conçu : « En sortant le mercredi 19 décembre, vers 7h 15  du matin, j’aperçus sur la nappe de neige tombée dans la nuit une couche de fine poussière noire, sous laquelle la neige avait sa couleur normale… »

Le même fait a observé à Lucdenscheid et en d’autres localités de l’Allemagne du Nord.

 

En conclusion M. Flammarion déclare que les illuminations crépusculaires sont dues à l’énorme quantité de fines poussières lancée à vingt mille mètres de hauteur (au moins) par l’éruption du Krakatoa, poussières qui ont formé des nuages immenses et légers, disséminés et voyageant dans les hauteurs de l’atmosphère.

Oui, cette éruption colossale est bien le plus grand phénomène terrestre qu’on ait jamais observé.

Quelques graphiques 

Relevé de la mortalité des années  1881 à 1890 :

Concernant 37 départements, 312 communes et 89300 décès.

mortalité krakatoa


En 1887 nous enregistrons un taux de 4,20 % de surmortalité pour les 37 départements français que nous avons pu examiner d’après le site de généabank. Nous rencontrons cette année  les maladies traditionnelles. Le médecin des épidémies  du département de la Seine -Maritime nous apprend que la rougeole règne épidémiquement depuis 5 ans et qu’elle a sévi avec une intensité plus grande qu’en 1886. La véritable épidémie de 1887 fut la fièvre typhoïde. Au Havre elle a fait 409 victimes, 48 en1881, 66 en 1882, 78 en 1883, 53 en1884, 78 en 1885 et 86 en 1886. Il dit que la cause principale pourrait être la contamination de l’eau potable, elle est mise hors de cause, il n’y aurait pas d’infiltrations. Selon le docteur des épidémies se serait l’air qui serait responsable et non l’eau. Il y aurait eu 4000 cas de typhoïde au Havre. Les malades ont entre 20 et 40 ans, se sont les mois d’août et septembre où le nombre de décès est le plus important à cause de la sécheresse.

Il dit que la mortalité infantile est excessive, elle a enlevé 1224 enfants, c’est toujours dans les mois de chaleur que le décès des enfants est le plus important. Cette mortalité est liée bien souvent à la diarrhée ou à l’entérite infantile. Il faut provoquer l’allaitement maternel par tous les moyens possibles. Il suffit que le nouveau né soit nourri au sein 2 mois seulement pour faire chuter la mortalité infantile de  42 à 27 %.

Il faut aussi évoquer la tuberculose avec 555 décès, soit 5 pour mille vivant.

 

La météorologie de l’année  1887 :

A l’époque les observations météorologiques sont faites à Rouen par Mrs Gully et Houezau , la température moyenne de l’année est 10,6°C elle est inférieure de 0,90°C à la normale. A l’exception des mois de juin, juillet et août, tous les autres mois ont donné un chiffre sensiblement inférieur à la normale. L’année 1887 peut  être classée parmi les années froides.

La pression barométrique s’est maintenue très haute en 1887,  la moyenne de l’année a été  de 762 ,9 m/m la normale n’est que de 758 m/m3. Il est tombé en 1887 602 m/m de pluie en 151 jours. En résumé l’année 1887 a été froide  sans présente un hiver très rigoureux, mais qui s’est prolongé jusqu’en mars. L’été a  été exceptionnellement sec.

pluviosité paris krakatoa

Les tempêtes des mois de novembre et décembre 1886 :

Comme lors de l’éruption du Tambora  nous observons que 3 années après l’éruption  nous avons des tempêtes  automnales très sérieuses.  C’est ainsi que le journal de Rouen relate de nombreux naufrages en manche au cours de cette période.

Le journal des sables de la Vendée signale un ouragan en Normandie. C’est ainsi qu’à Trouville un bateau de pêche est renversé dans le port par une lame monstrueuse. La tempête a soufflé avec violence dans le golfe de Gascogne.

L’administration du Bureau Véritas a publié la liste des sinistres maritimes signalés pendant le mois de novembre 1886, concernant tous les pavillons.

Navires à voiles perdus, 9 allemands, 6 américains, 55 anglais, 1 autrichien, 3 danois, 1 espagnol, 6 français, 1 grec, 9 italiens, 29 norvégiens, 1 portugais, 3 russes, 3 suédois :

total =127 ;

Navires à vapeurs :  11 anglais, 1 français, 1 russe : total = 13

Ces chiffres se passent de commentaires. C’est une vraie hécatombe.

 

Conclusion :

On sait que l’éruption du Krakatoa a provoqué au moins 40000 morts, soit directement par l’éruption, soit à la suite du tsunami. On  n’a pas eu de disette, on ait à la fin du XIXe siècle et l’agriculture sait  faire échec éventuellement à de mauvaises conditions atmosphériques. Quant aux maladies régnant à l’époque on s’aperçoit qu’elles peuvent prendre une certaine ampleur quant le climat s’y prête.

24 janvier 2014

LE KUWAE

Le KUWAE 

 

KUWAE - CARTE

 

Le Kuwae est une caldeira sous-marine qui se situe par 16.83° de latitude Sud et par 168.54° de longitude Est dans l’actuelle République de Vanuatu. Elle fait partie de l’arc insulaire des Nouvelles-Hébrides dans une zone de convergence où s’affrontent deux grandes plaques continentales : la plaque Australienne et la plaque Pacifique. Dans cette région du globe, la plaque Australienne se déplaçant en direction de l’Est fait subduction sous les îles Salomon et le bassin nord-fidjien à une vitesse variant entre 9 et 16 cm/an. Au Vanuatu, de nombreux volcans résultent de cette subduction avec du nord au sud : le Vanua Lava, le Santa Maria, le Mere Lava, l’Aoba, la caldeira d’Ambrym, le Lopevi, les volcans d’Epi, le Kuwae, les îles d’Efaté, d’Erromango et de Tanna.

 

La zone volcanique du Kuwae est délimitée par les îles d’Epi (au nord-ouest) et de Tongoa (au sud). Au nord-est, les îles Tevala et Laika et au sud-sud-ouest, l’îlot de Fatumiala marquent le bord de cette caldeira, longue de 12 kilomètres et large de 6 kilomètres.

 

Le centre de la caldeira de Kuwae est occupé par un volcan sous-marin : le Karua, un cône basaltique d’environ 1 km3 qui est entré en éruption plusieurs fois au cours du XXe siècle. Le sommet de ce volcan affleure actuellement à une dizaine de mètres sous la surface de l’Océan Pacifique. A plusieurs reprises (1897-1901, 1925, septembre 1948, décembre 1949, septembre 1959, février 1971 et 1974), le Karua est sorti de l’océan pour donner naissance à une île éphémère dont la durée de vie n’a guère excédée quelques mois.

 

Deux bassins sous-marins, séparés par le Karua, composent la caldeira du Kuwae : l’un, au nord-ouest est situé à une profondeur de 450 mètres, l’autre au sud-est atteint une profondeur de 250 mètres. Ces deux bassins se situent très probablement à l’aplomb de deux cônes volcaniques qui devaient relier les îles d’Epi et de Tongoa avant l’éruption de 1452-1453. Ainsi, avant cette catastrophe, ces deux îles n’en formaient en réalité qu’une seule.

 

L’éruption de 1452-1453 a débuté de façon classique, le volcan présentant une alternance d’explosions stromboliennes et phréatomagmatiques. Les laves émises durant cette période ont été identifiées comme étant des andésites basaltiques. Cette première phase éruptive a certainement duré plusieurs mois avant que de l’eau (pluies tropicales ou eau de mer) ne réussisse à rentrer en contact avec le magma. Les deux séquences éruptives suivantes, qui ont pu se produire en seulement quelques jours, vont voir la montée d’un magma dacitique avec des explosions de nature phréatomagmatique de plus en plus violentes. Des dépôts d’ignimbrites témoignent de la violence de ces deux phases éruptives qui vont s’achever par la formation d’une caldeira après l’effondrement successif des bassins sud-est et nord-ouest. Les légendes de Vanuatu font état de deux survivants : un jeune garçon, qui plus tard devait organiser la recolonisation des îles Shepherd, ainsi qu’une jeune femme.

 

Les scientifiques ont estimés à 6 l’indice d’explosivité (VEI) de cette éruption qui a probablement rejeté entre 32 et 39 km3 de magma, voire 60 km3 selon certains auteurs. Une quantité considérable de dioxyde de soufre a été propulsée dans la stratosphère. En moyenne, les glaces du Groenland ont conservés de cette éruption un dépôt de 45 kg de SO4/km2 et celles de l’Antarctique un dépôt estimé à 93 kg de SO4/km2. A titre comparatif, l’éruption du Tambora en 1815 aurait déposé 50 kg de SO4/km2 au Groenland et 59 kg de SO4/km2 en Antarctique. Le Kuwae détient sans doute le record volcanique de ces 700 dernières années au niveau de la quantité d’aérosols émis lors d’une seule éruption, avec des dégradations climatiques certaines, dont on trouve des témoignages en Chine et en Turquie.

En 1453 il y aurait eu environ 10000 personnes qui seraient mortes gelées dans les provinces chinoises. Au sud du fleuve du Yang Tsé Kiang, dans une région au climat habituellement semi tropical, il neigera pendant plus de 40 jours. La mer de Chine, quant à elle, charriera des blocs de glace jusqu’à 20 kilomètres du rivage.

 

A des milliers de kilomètres de là, au cours des mois d’avril et mai 1453, la ville de Constantinople est assiégée par les Turcs Ottomans menés par le sultan Mehmet II. Durant cet épisode tragique, assiégés et assaillants vont apercevoir de nombreux phénomènes étranges et interprétés comme des signes de mauvais augure. Des témoins de l’époque évoquent des levers et des couchers de soleil anormalement rouges et qualifiés de sinistres. Le 22 mai 1453, ils assistent durant 4 heures à une éclipse lunaire au cours de laquelle la Lune devint rose. Les écrits de l’époque relatent également un orage violent, accompagné de grêle qui va provoquer des inondations dans la capitale byzantine alors qu’une procession était en train de s’y dérouler. Enfin, des phénomènes lumineux et inexpliqués, similaires à des feux et des incendies, vont être observés dans des secteurs non affectés par les combats. L’actuelle cathédrale Sainte-Sophie d’Istanbul en fut la victime, une lueur intense rappelant un gigantesque incendie s’étant élevée tout autour de son dôme. Pourtant, cet édifice n’a jamais brûlé.

 

Durant cette même période, le gel a endommagé de nombreux arbres dans l’hémisphère nord (on note ces traces d’hivers rigoureux par la dendrochronologie) sur les chênes britanniques entre 1453 et 1455, sur les cyprès chinois entre 1453 et 1454, sur les arbres finlandais et français entre 1453 et 1457 et sur des pins nord-américains en 1453.

 

En Allemagne, les vendanges des années 1453 à 1456 donnèrent un raisin de mauvaise qualité. En France, à la fin de la guerre de cent ans (1453) qui correspond à la date de l’éruption du Kuwae, les terres en Normandie ont été désertées, la population amputée de plus d’un tiers et même par endroit de moitié par rapport au niveau de 1328, ainsi que l’effondrement général de la production. Toutefois à partir de cette date l’économie rurale de la Normandie va repartir peu à peu, mais les mauvaises conditions atmosphériques font peser sur le pays une nouvelle disette, c’est ainsi qu’en avril 1456 on rapporte la décision d’un seigneur du Conseil de Roi à Rouen conforme aux réclamations de la ville d’arrêter l’exportation des blés pour l’Ecosse, la Bretagne, la Flandre, etc… à cause de la grande cherté, contre l’exportation des blés, inquiétude causée par la persistance des pluies…. Les « retombées du Kuwae seraient-elle passées par là ? »

 

Prix des grains à Paris :

 

1450

1451

1452

1453

1454

1455

1456

1457

1458

1459

0.75

100

0.52

0.42

0.44

104

134

113

0.73

101

Nous constatons une sérieuse augmentation en 1456.

 

 

 

Population rurale en Normandie Orientale : (Evolution du nombre en valeur indice)

 

1400

1410

1420

1430

1450

1460

1470

1480

1490

1500

50

65

32

40

30

20

25

25

45

52

Nous constatons qu’entre les années 1450 et 1460 l’indice de la population diminue.

 

Conclusion :

Nous connaissons bien maintenant l’ampleur de l’éruption du Kuwae, mais il reste difficile d’apprécier son incidence sur le climat et sur la démographie française.

 

22 janvier 2014

ERUPTION DU CHICHON

 EL CHICHON :
    L’éruption du volcan mexicain El Chichon du 28 mars au 4 avril 1982 a fait l’objet de nombreuses études qui ont permis de mieux comprendre dans le détail l’impact des éruptions volcaniques sur le climat.  L’éruption plinienne d’El Chichon a projeté dans l’atmosphère de grandes quantités de gaz, de poussières et de cendres. Le magma produit par ce volcan, qui n’avait pas jusqu’à cette date attiré l’attention des volcanologues, est très riche en soufre. Il est à l’origine de la formation de nuages d’acide sulfurique (3.3 millions de tonnes de SO2) ayant fait le tour du globe en moins de 20 jours, sur une bande large au maximum de 2000 km.

Observations météorologiques:
    On note une diminution de température moyenne de 0.2°C au bout de deux mois, de 0.4°C à la fin de l’année  1983 et 0.5°C pendant l’hiver 1984/85.
La comparaison de ces observations avec l’impact de l’éruption du Cosiguina, 150 ans en arrière et de latitude presque voisine est intéressante. En effet on remarque très précisément l’année de ces deux éruptions un été particulièrement chaud et sec. Des hivers deux à trois ans après l’éruption très rigoureux. En 3e lieu des fins d’années avec de violentes tempêtes. C’est ainsi que l’on observe notamment:
Les 7 et 8 novembre 1982 : une violente tempête dans le sud de la France, avec des vents jusqu’à 170 km en montagne et 165 km sur la côte languedocienne.
Les 15 et 16 octobre 1983 : violent coup de vent dans l’ouest du pays.
27 novembre 1783 : 2e tempête sur la France les dégâts sont parfois importants.
Les 22 et 23 novembre 1984 : tempête sur la moitié nord du pays, importants dégâts et inondations sur les côtes de la Manche. Les vents soufflent jusqu’à 175 km sur le littoral.

L’hiver 1984/85 : En janvier 1985 une vague de froid s’abat sur la France, il faut remonter à janvier 1838 pour trouver un mois aussi froid (voir l’éruption du Cosiguina). On enregistre un peu partout en France des records de froid. C’est ainsi que dans la région rouennaise le thermomètre descend jusqu’à – 27°C à Orival. La température a été en moyenne inférieure de 4°7. La presse locale parle de Bérezina cauchoise…le même jour on apprend qu’un ouvrier agricole a eu les quatre membres gelés et qu’il faudra peut être l’amputer.

 

Paris_Normandie

 Journal Paris Normandie :

Le Paris Normandie tout au long du mois de janvier tient ses lecteurs informés des divers dégâts provoqués sur la vie économique du pays de cette vague de froid.

 

 

 

 

 

 



Influence de la vague de froid de janvier 1985 sur la mortalité en  Haute Normandie :
    L’Observatoire Régional de la Santé  constate une surmortalité de 16%, soit 231 décès supplémentaires au cours de ce mois. Sa  répartition est inégale dans les 2 départements : La Seine-Maritime est plus atteinte que l’Eure ( Seine-Maritime : 19 % et l’Eure 7°.Les femmes sont plus touchées que les hommes .
Les tumeurs sont surreprésentées dans les deux départements et dans les deux sexes.
Les maladies de l’appareil circulatoire sont également en surnombre
-     Les pneumonies et les bronchopneumonies font l’objet d’une surmortalité importante en
Seine-maritime.
Etude de l’Institut National de Veille Sanitaire :
Dans une étude de 2004, intitulée « Froid et Santé », l’invs précise que la vague de froid de janvier 1985 a entraîné une surmortalité en France principalement par infarctus du myocarde (+17%), accidents vasculaires cérébraux (+54 %) et pneumonies (+208 %). Globalement on enregistre en janvier 1985, pour la France, une surmortalité de  13%. Si on examine la mortalité française sur une décennie, 1981 à 1990, cette surmortalité tombe à 2.15 % (source Ined).
Histogramme établi à partir de l’étude de l’Invs :

invs



Conclusion :
    Certains auteurs dont  Michael Rampino et Stephen Self1 soupçonnent l’éruption d’El Chichon d’avoir eu des incidences sur le phénomène El Nino. Le nuage d’aérosols sulfatés en réchauffant la haute atmosphère au dessus des tropiques aurait perturbé la circulation atmosphérique et océanique créant une anomalie lors de l’apparition d’El Nino en mai au lieu du mois d’octobre. Ils rappellent que sur les neuf phénomènes El Nino survenus depuis 1950 deux seulement n’ont pas suivi le modèle habituel : celui de 1982/83 et celui de 1963 coïncidant avec l’éruption de L’Agun. En plus des trois hivers rigoureux, 1985 à 1987.et des trois fins d’automne particulièrement tempétueux, l’éruption d’El Chichon a permis  d’avoir une enquête sérieuse sur les conséquences sanitaires d’un hiver sibérien.
Discussion :
    En analysant les éruptions des 7 volcans2 nous avons observé l’étroite corrélation  entre les différents paramètres climatiques, température, précipitation, pression baromètre, hygrométrie et une élévation du taux de mortalité dans les mois ou les années qui ont suivi une éruption volcanique plinienne ayant eu un impact climatique.
    Ces observation ont été possible à partir de l’année 1600 (éruption du Huaynaputina – 1600) jusqu’à l’éruption du Krakatoa  - 1883, grâce à la consultation sur internet, aux archives départementales, ou encore en mairies des registres paroissiaux concernant les baptêmes, mariages et sépultures « BMS ».
    A partir du 20e siècle nous nous heurté à la réglementation actuelle qui interdit la consultation des registres de l’état civil de moins de 100 ans.3 Souhaitons que la loi évolue, pour mettre fin à ce paradoxe.
    Les médecins d’autrefois connaissaient les symptômes de beaucoup de maladies de l’époque, tout en n’ayant les moyens de les soigner efficacement. C’est ainsi que les fièvres intermittentes qui sévissaient dans beaucoup de provinces françaises peuvent être assimilées au paludisme, les fièvres putrides, malignes ou encore pestilente à la typhoïde, la phtisie à la tuberculose, le mal des ardents à l’ergotisme etc…
    Actuellement il faut orienter nos recherches vers les organismes publics (Inserm, Invs, Ined et autres) qui effectuent des enquêtes épidémiologiques en fonction des événements climatiques constatés. C’est ainsi que la canicule de 2003 a donné lieu à beaucoup d’études.
    Les effets de hiver meurtrier de 1985 auraient pu échappé à la sagacité des chercheurs si l’Invs n’avait pas effectué en 2004 une étude sur ce phénomène.
    Par ailleurs nous apprenons qu’en 1963 et 1964, suite à l’éruption de l’Agung, nous avons eu, malgré une diminution générale et continue de la mortalité en France un pic de maladies infectieuses et de l’appareil respiratoire pouvant être attribué semble-t-il à l’hiver particulièrement rigoureux de cette année et une période de sécheresse qui l’année suivante.

CONCLUSIONS GENERALES :

    Aujourd’hui nous découvrons que, malgré les progrès indéniables d’une médecine moderne et une baisse significative d’une mortalité globale, notre santé se fragilise au fil des années, à cause semble-t-il d’une modification de notre environnement, et de notre climat. Il n’y a jamais eu autant de cancers, de maladies cardiaques, d’allergies diverses et asthme causés peut être par un réchauffement climatique qu’il soit dû ou non à l’excès de CO2.
   C'est ainsi  que le « coup de canicule » de l’année 2006 a provoqué en France, sur 18 jours, 1388 décès supplémentaires, soit un pourcentage de 6%.


    Maintenant nous sommes mieux armés scientifiquement pour rechercher si une éruption volcanique majeure a un impact climatique ou pas, et d’en tirer toutes les conséquences sur le plan sanitaire car nous savons désormais qu’il peut se produire dans les mois, les années suivants  un hiver particulièrement rigoureux, ou une sécheresse sévère qui auront une incidence néfaste sur la démographie. Si le réchauffement est bon pour le cœur il faut qu’il soit progressif, les vagues de chaleur comme les vagues de froid font de nombreuses victimes principalement chez les plus de 65 ans.
    Il serait sage que la médecine préventive prenne en compte tous les paramètres climatiques dans la diffusion des précautions sanitaires à observer pour la survie des plus fragiles d’entre nous.


Enfin on peut s’interroger sur la suggestion de certains scientifiques de vouloir combattre l’effet de serre en injectant artificiellement dans la stratosphère des milliers de tonnes de soufre. N’est-on pas en train de jouer les apprentis sorciers ? Fabriquer un « volcan artificiel » pour contrer le réchauffement de la planète ne semble pas très raisonnable.2


BIBLIOGRAPHIE :

- A. ANGOT, 1916 Traité élémentaire de météorologie, Paris, librairie du bureau central de Météorologie
- J.P. BARBET, 1983 Rouen aux XVIIe et XVIIIe siècles les mutations d’un espace social, SEDES
- E. BARD, 2006 L’homme face au climat, Odile Jacob
- M. BARONI et al. Science, 315 84. 2007
- J.P. BESANCENOT novembre 2005, « Pollution atmosphérique volcanique et mortalité en France en 1783 -  Environnement, Risques et Santé
- N.BOURGUINAT 2002, « Les grains du désordre, l’Etat face dans la 1e partie du 19e aux violences frumentaires, Paris EHESS%%%
- BUNEL ET J. TOUGARD A.  1879, Géographie de la Seine-Inférieure
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- S. CHENARD, janvier 1983 « Un nuage menace le climat » Sciences et Avenir
- L. COLIN, les Fièvres intermittentes, Librairie Baillière
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-V.COURTILLOT et al, avril 2006 « L’éruption du Laki une pollution semi-planétaire » Dossier pour la Science
- J. DELAETER, 1933, Pathologie des brouillards de la vallée de la Meuse décembre 1930, Librairie M.Lac
- P. De WEVER et al, 2003, le Volcanisme cause de mort et source de vie, Vuibert
- J.P. EISSEN et al, 1994  « Kuwaé, l’éruption volcanique oubliée » la Recherche,  volume 25
- A. FOUCAULT, 2003 La Terre, planète vivante, Vuibert
- J. GRATTAN et al, 2005, « Volcanic air pollution and mortality in France 1783-1784, CR Géoscience 337
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- R. HIGHFIELD R. 31mai 2004 « Des éruptions volcaniques au XVIIIe siècle seraient à l’origine de 10000 décès, Daily Telegraph
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- L. LEPECQ DE LA CLOTURE , 1778, « Collection d’observations sur les maladies et constitutions épidémiques »  Bibliothèque Municipale de Rouen (Cote I 764a)
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- E. LE ROY LADURIE, 1983, « Histoire du Climat depuis l’an mil » (2 volumes)
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- Y. MISEREY, 19 avril 2005, « En 1783 une éruption en Islande sème la mort en France », le Figaro

- MOURGUE DE MONTREDON, « Recherches sur l’origine et sur la nature des vapeurs qui ont régné dans l’atmosphère pendant l’été de 1783 – Mémoire de l’Académie Royale
- J. MOREAU, 1987, « L’épidémie de 1782/83 de pneumonie dans la moitié sud de la Touraine, Archives départementales d’Indre et Loire (cote 4e Bh 783)
- J.P. PETER et al, 1972, « Médecins, climat et épidémies à la fin du 18e siècle, Paris EHESS
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- R. STONE, novembre 2004 « Archéologie et empoisonnent au fluor » Science (trad. J. Guillet)
- O et G. WEECKSTEEN, 1999, « L’éruption du volcan Tambora en 1815 a-t-elle eu des répercussions climatiques en France, LAVE n° 82-83

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28 novembre 2013

L'ERUPTION DU TAMBORA EN 1815

LE TAMBORA

En 1815, le volcan Tambora situé en Indonésie fut le théâtre d’une formidable éruption qui projeta dans l’atmosphère plus de 100 km3 de produits soufrés qui sont à l’origine d’un refroidissement presque planétaire l’année suivante. Pour le Canada, la Nouvelle-Angleterre et toute l’Europe de l’Ouest, l’année 1816 fut une « année sans été ».

La Normandie connut elle aussi un « temps de chien » pendant deux années consécutives. Dans le Journal de Rouen, on ne parla que de mauvaises récoltes, d’inondations très importantes faisant d’énormes ravages. La crise de subsistance provoqua un commencement de révolte en Normandie. La démographie fut affectée, on constate une certaine diminution des naissances, des mariages et plus de décès.

Dans les numéros de Lave de décembre 1999 et janvier 2000 O. et G Weecksteen ont fait une étude sur l’éruption du Tambora et des répercussions climatiques en France. Il s’agit pour nous d’apporter quelques éléments de réflexion complémentaire à cette étude. En reprenant la crise des subsistances en Seine-Inférieure en 1817 de J. Vidalenc, les différentes maladies régnant à cette époque, la description de la crise dans le canton de Fayence, et une description d’une pneumonie à Lignères et autre maladies en Seine-Inférieure.

La crise des subsistances en Seine Inférieure en 1817 :

(J. Vidalenc)."Le printemps de 1816 fut médiocre, un été pluvieux et humide a contribué à réduire le rendement des cultures, amenant une hausse du prix des céréales. La spéculation en faveur de ceux qui avaient les moyens de s’y livrer, des fermiers disposant de granges assez grandes pour abriter leurs récoltes, des réserves financières leur permettant de ne pas se presser pour amener leurs grains au marché. Les blattiers, meuniers et intermédiaires de tous genres, sans oublier les boulangers qui se mirent très vite de la partie et la spéculation accentua encore le mécontentement dès le début de l’automne 1816."

Le prix moyen du blé passait de 22.20 F l’hl le 1er trimestre à 28.27 F le second et à 32.03 F au cours du 3e et à 33.21 F pour le 4e trimestre (il s’agit de moyenne) Les prix étant très variables selon les endroits. Par exemple à Neufchatel 36.59 F l’hl et à 31 F à Forges les eaux. La hausse est pratiquement générale. Elle restait parfois modérée comme à Rouen où le prix moyen du blé pour le mois atteignait seulement 37.12 F alors qu’à Yvetot elle passait de 35 F à 42 F l’hl. En juin 1817 on constate le point culminant de la crise, à Rouen l’hl vaut 50.46 F et 54.19 F à Doudeville. Un renversement de tendance a lieu en juillet. La baisse est presque générale.

Au début de l’automne les premiers blés de la récolte de 1817 arrivent sur les marchés, l’effet des importations se faisant sentir, en septembre le blé coûtait 26.25 F l’hl à Rouen. Les prix des autres denrées alimentaires restant très variables. Le 21 décembre 1816, le Préfet remet en vigueur les dispositions de l’arrêté du Parlement de Normandie du 11 août 1785 n’autorisant que la fabrication du pain de 3e qualité. (cf ADSM M subsistances 1817 différentes lettres des autorités) Les manifestations de mécontentement populaire n’allaient pas cesser pendant des mois. Le Préfet fait preuve d’un bel optimisme, malgré que les fabriques aient congédié un assez grand nombre d’ouvriers, il pense que la récolté a été assez bonne, que les blés venant de l’étranger vont faire baisser les cours. Enfin que la cherté diminue la consommation. Il aurait du ajouter que les intempéries avaient diminué les rendements tout en retardant la moisson.

La main d’œuvre est débauchée au cours du 3e trimestre 1816, la quantité de laine tissée dans le département s’élève à 321.000 kg mais tombe à 223.000 kg pour le 4e trimestre et en 1817 à 262.000 kg pour le 1e trimestre, 231.000 kg au cours du 2e trimestre et 255.000 pour le 3e trimestre 1817. Cette réduction de production amène la misère.

En mer la pêche des harengs, ressource de beaucoup de villages du littoral,n'est pas bonne. On avait déjà constaté ce même phénomène lors de l'éruption du Laki en 1783, le hareng a tendance  à déserter les côtes normandes, on constate un réchauffement de la mer, donc un ralentissement de la production du zoo plancton nourriture du hareng.

Un rapport de police affirme, dès le mois de novembre 1816 que le peuple souffre à Dieppe. Le Sous Préfet fait un appel à la charité et incrimine l’excessive cherté des grains, l’intempérie des saisons, la stagnation du commerce et le défaut de pêche. Son collègue d’Yvetot souligne lui aussi les rendements médiocres de la pêche qui amène la misère autour de St Valéry. Au Havre on souligne la gravité de la situation, outre la mauvaise récolte, à peine la moitié des subsistances qui seraient nécessaires pour attendre la nouvelle récolte, ainsi que le marasme des autres formes d’activités.

Un autre phénomène augmente l’inquiétude : les achats effectués pour une région dont on craint la disette, par les blattiers, les négociants ou les spéculateurs. Dès le 5 décembre le Préfet avait signalé au Ministre que cette pratique accroissait le malaise, « Pontoise et la Picardie qui fournissaient autrefois les approvisionnements de plusieurs de nos marchés et particulièrement la ville de Rouen, venaient depuis trois mois acheter dans nos halles » (ADSM M subsistances 1816/17) En décembre l’orge arrivant au Havre était réexpédiée vers l’Irlande.

Les pauvres recouraient à la mendicité traditionnelle. Les premiers mendiants semblaient être apparus dès le mois d’octobre 1816 dans la région de Dieppe, secteur névralgique. Une bande de vingt quémandeurs était repérée à Ouville la Rivière, ils avaient exigé du grain d’un meunier et d’un cultivateur. On arrêtait des gens, il y avait un tisserand de 58 ans. D’après le Maire de Cany « la garde nationale refuserait de marcher pour protéger les cultivateurs contre le peuple qui paie le blé 60 F. Faire venir des troupes étrangères c’est faire de notre pays une nouvelle Vendée. On devait s’attendre que le peuple qui depuis neuf mois souffre de la cherté énorme des subsistances, qui a attendu patiemment la récolte, puis les semailles, puis la fin de tous les prétextes. Qui n’a rien fait encore que de murmurer quand le blé valait 100 F serait à bout de toute sa patience quand il verrait qu’au commencement de janvier le prix de son pain augmenterait de manière effrayante…. » (le Maire de Cany sera destitué pour avoir soutenu une politique de taxation)

A Rouen un boulanger craint d’être attaqué en se rendant à Pavilly parce que une partie des habitants de communes avoisinant la forêt de la Valette sont attroupés sur la route avec des bâtons. On surveille aussi la Seine, c’est ainsi qu’en juin un bateau est attaqué devant Duclair par les riverains. Le chef des pillards dit qu’ils ne cesseront leur désordre que lorsque le pain sera à 3 sous, il valait alors 9 sous, soit trois fois plus.

On estime au moins à une soixantaine d’incidents, bandes de mendiants, agressions de convois, manifestations aux halles. Les effectifs varient de quelques individus à plusieurs centaines et parfois même à des milliers. Il y aura beaucoup de jugements prononcés par les tribunaux ainsi que de nombreuses condamnations. Il fallut se contenter pendant un certain temps du secours des bureaux de bienfaisance dont les disponibilités étaient limitées. Dans celui de Rouen on enregistre pour toutes ressources 21000 F donnés par la ville, 20000 F par le théâtre, et 3000 F de dons de rouennais. On avait dû porter les secours à 6000 F par mois pour assurer 2 kg de pain par semaine aux familles de 7 ou 8 enfants. Les vieillards de plus de 60 ans avaient 1kg de pain la semaine. Le nombre d’enfants abandonnés passait de 870 en 1815 à 1055 en 1817, puis 1147 pour l’ensemble du département et pour Rouen de 801 à 845. Les secours attribués par le gouvernement demeurent insatisfaisants en face du grand nombre de nécessiteux.

Il faudra attendre le premier trimestre 1818 pour qu’une hausse sensible des subsistances se fît sentir enfin. Les prix restaient élevés mais la confiance était revenue et des mesures de police affirmaient leur efficacité. Depuis le 16 janvier 1818 le prix du pain qui coûtait à Rouen 5 sous la livre baisse de façon significative. Il ne vaut plus que 3 sous 3cts. Le Procureur Général qui signalait cette amélioration du sort de la population en soulignait l’insuffisance : « c’est encore trop sans doute par rapport à l’état d’épuisement dans lequel se trouve la classe la plus nombreuse, aussi toutes les consommations sont-elles notablement diminuées . Un grand nombre d’ouvriers sont encore occupés, mais leurs salaires sont tombés si bas qu’ils n’ont pas de quoi se nourrir eux et leurs familles ». Ce personnage écrivait cela au mois de mars 1818, le relèvement avait donc été long, laborieux et médiocre.

Description de la crise des subsistances à Fayence (var) :

La Mairie de Fayence a conservé des archives bien fournies pour cette période du 19e siècle. On y trouve en particulier une nombreuse correspondance entre le Maire et le Préfet ainsi que les actes de la Préfecture du département du Var. Ce chef lieu de canton de 280 habitants a traversé la crise frumentaire de 1816 à 1818 avec de nombreux soubresauts. Le lecteur trouvera ci-dessous différentes correspondances échangées entre le Maire Fayence et le Préfet ainsi que des circulaires et arrêts préfectoraux concernant cette période fort troublée.

Lettre du 7 septembre 1816 : Le Maire informe le Préfet que la récolte est médiocre, mais toutefois supérieure à celle de 1815. Par contre les céréales secondaires, et la récolte de fruits font défaut, il craint également que les raisins ne mûrissent pas, la saison étant déjà avancée est froide.

Lettre du 5 novembre 1816 : Le nombre des enfants trouvés actuellement à la charge de l’hospice est de 20. Ces enfants sont élevés dans différentes communes du canton et non dans la maison de l’hospice ; il peut « fournir livraison » de 2 à 3 enfants trouvés par année.

Lettre du 3 décembre 1816 : Les semailles cette année n’ont pas été entièrement été faites dans les proportions ordinaires à cause de la cherté des grains dans toutes les communes du canton. Elles ont été contrariées par les pluies de la fin d’octobre et du début novembre qui ont occasionné la perte d’une partie de la semence. Les froids qui sont survenus ensuite ont retardé la germination.

Lettre du 7 décembre 1816 : Le Conseil Municipal a versé une somme de 800 F pour employer les indigens pendant la saison rigoureuse à la réparation des chemins vicinaux.

Lettre du 2 janvier 1817 : Le Percepteur éprouve les plus grandes difficultés à recouvrer l’impôt à cause de la privation des récoltes, la cherté excessive des denrées de première nécessité, le manque de travail de la classe ouvrière, sont des motifs insurmontables pour accélérer les recouvrements… tellement la misère est grande.

Lettre du 7 janvier 1817: au capitaine de la Garde Nationale : Le Maire demande de fournir un piquet de six hommes pour garder l’Hôtel de Ville, après les délits qui viennent de ce produire la nuit précédente (il s’agirait de trois boutiques qui ont été ouvertes et dans lesquelles on a volé quelques comestibles).

Lettre du 8 juin 1818 : Le Maire informe le Préfet des mesures de salubrité qu’il a pris pour combattre la maladie qui n’a pas augmenté. Les rues sont propres et lavées toutes les semaines, et déblayées des ordures. On fait des feux les soirs devant les maisons

Lettre du 11 septembre 1818 : Le Maire signale au Préfet que la petite vérole s’est manifestée dans la commune qu’elle a atteint différents sujets qui avaient eu la vaccine. Heureusement elle n’a pas fait de victimes jusqu’à ce jour.

Lettre du 19 septembre 1818 : La récolte de 1818 a été inférieure à celle de 1817 quoique les apparences la faisaient fort belle.

Arrêté préfectoral n°222 en date du 20 novembre 1816 : Relative aux moyens d’assurer l’existence de la classe ouvrière et indigente et au maintien des lois sur la libre circulation des grains. Le Préfet analyse une situation qui à ses yeux est trop pessimiste sur les besoins de la population. Toute fois il met à la disposition des communes une somme importante pour la réparation des chemins vicinaux par les gens qui faudra secourir au cours de l’hiver.

Arrêté préfectoral n° 237 du 8 décembre 1816 : Prescrivant des mesures pour faciliter l’approvisionnement des marchés et assurer le maintien de l’ordre et de la tranquillité pendant les jours de leur tenue.

Circulaire préfectorale n° 340 du 1er juillet 1817 : Portant invitation aux maires de prendre des mesures pour réprimer le vagabondage.

Circulaire préfectorale n°353 du 14 août 1817 : Concernant les renseignements que les maires doivent fournir sur les récoltes en grains de l’année 1817.

Circulaire préfectorale n°387 du 12 décembre 1817 : Par laquelle on rappelle les dispositions des arrêtés des 22 décembre 1815 et 21 décembre 1816 qui prescrivent des patrouilles des gardes nationaux à l’effet de prévenir les délits.

Lettre du Préfet du 4 décembre 1817 : Demandant au Maire de Fayence de lui rendre compte d’un acte de brigandage effectué par 3 hommes dans la commune de Fayence.

Circulaire préfectorale du 23 juillet 1818 : Engageant les administrateurs des hospices à mettre le plutôt possible en nourrice les enfant apportés à leur hospice. En 1817 il y a eu 220 enfant abandonnés (il n’est pas précisé si c’est pour tout le département du Var) la mortalité s’élève à 117, ce qui excède des ¾ et justifie que les enfants soient envoyés le plutôt possible à la campagne, et éloignés des hôpitaux dont l’aire leur est presque toujours funeste.

Lettre du Maire au Préfet du 31 Mai 1818 au sujet d’une épidémie sévissant à Fayence : ….le nombre des morts dans ma commune ne s’élève depuis le mois de janvier qu’à 36. Il meurt ordinairement de 80 à 90 personnes par an, ce qui n’excède pas la proportion ordinaire pour les 5 mois écoulés. Les personnes de l’art que j’ai consulté pensent généralement que les fièvres régnantes sont essentiellement constitutionnelles. Elles ont été d’abord catharrales, vermineuses, ensuite putrides avec tendance à la malignité (ces appellations étaient déjà employées par le Dr Lépecq ) Il n’existe en ce moment que 2 à 3 cas sérieux. On compte qu’il a été enlevé 10 personnes depuis le mois de février. Si elle prenait un caractère plus dangereux je ne manquerais pas de vous en rendre compte. (NB. Il est mort à Fayence en 1816 : 91 ; en 1817 : 62 et en 1818 : 96)

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Dans une ville de moyenne importance comme Fayence, pour le début du 19e siècle, nous voyons qu’indirectement l’éruption du Tambora a eu son lot de victimes par un accroissement des maladies endémiques à l’époque. Les décès sont supérieurs aux naissances de 65 %.

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En ce concerne la récolte de la Soie à Fayence on constate en 1817 que la récolte est la plus faible sur 8 ans. (Les feuilles du mûrier ont du subir les mauvaises conditions atmosphériques) Quant aux prix c’est 1818 l’année la plus chère.

Quelques maladies épidémiques relevées au Havre : épidémie de dysenterie :

le docteur Vingtrinier, médecin des épidémies nous apprend qu’en 1817 et 1818 se manifesta au havre une affection épidémique qui fit de grands ravages. "Les symptômes étaient douleurs dans les membres, perte de forte, anxiété précordiale. Ensuite borborygmes (gargouillements), nausées, éructations, vomissements de matières bilieuses verdâtres, douleurs violentes irradiant dans les lombes, le siège, le scrotum. Constipation opiniâtre ou bien diarrhée liquide abondante. Soif vive, bouche sèche, amère urines rares, brûlantes. Crises nerveuses semblables aux crises épileptiques. Le plus souvent terminaison heureuse mais convalescence longue. Les membres reprennent difficilement leur vigueur. On peut rapprocher cette maladie de la colique du Poitou observée en 1616."

A quelle rapporter cette colique épidémique, l’auteur raconte que les huîtres furent accusées, elles auraient été contaminées par les latrines de la garnison toute proche. On incrimine aussi l’oxyde de cuivre venant du doublage des navires. Mais ce n’es pas pour Vingtrinier la cause exacte car l’épidémie s’est étendue à Fécamp, Bolbec, Lillebonne, Yvetot. La cause la plus probable serait dans les alternatives brusques et fréquentes de la température qui eurent lieu dans ces deux années. Il s’appuie sur les observations du Dr Guepratte, chirurgien major de la marine, faites à Cayenne, aux Antilles, au Sénégal, à Bourbon, à Madagascar ou les bouleversements atmosphériques sont fréquents. Ce chirurgien a observé aussi que plus souvent que tout autre, les marins que leurs occupations forcent à changer de température brusquement sont violemment affectés.

Vingtrinier adopte donc la cause assignée à l’épidémie de 1817 et 1818 et cite l’assertion d’un homme qu’il dit remarquable et profond observateur à la fin du 18e siècle : le Dr Lépecq de la Cloture qui parlait à son époque de la colique endémiques des normands, la rapprochant de la colique de Poitou, passant en revue les causes qu’on lui attribuaient, le mélange de la litharge au cidre, l’aspect de la Normandie et son voisinage de la mer, les pluies, les brouillards, les intempéries fréquentes… Lépecq estime que l’épidémie est autant bilieuse, et catarrheuse, hémorrhoïde et goutteuse que végétale et minérale.

Epidémie de péripneumonie en 1816 à Lignieres la Doucelle (Mayenne) par le Dr Lemercier :

Le docteur Lemercier Médecin des épidémies à Mayenne décrit une épidémie de pneumonie ayant frappé la commune de Lignières la Doucelle ayant fait mourir quarante personnes en 12 ou 15 jours. Cette commune est située à 10 lieues de Mayenne. Elle a 2500 habitants. Elle est traversée par de petites rivières. Le sol est ingrat et ne produit qu’à force de travail, aussi toute cette contrée est pauvre. Les maisons sont mal bâties, celles surtout qui avoisinent les landes peu cultivées, ne sont que des huttes faites en terre, un mauvais toit largement ouvert pour le passage de la fumée et une porte basse.

Dans ces demeures sombres sont entassées des familles nombreuses exposées alternativement au froid et à l’humidité de l’atmosphère. Presque tous les hommes vont chercher du travail hors leur commune. Les femmes cultivent un peu de terre presque stérile et s’occupent de leurs enfants. La terre est pauvre, le froment n’y vient point, le seigle peu, seule la pomme de terre vient assez bien. Les habitants ne nourrissent mal, mangent toute l’année du pain de sarrasin et des pommes de terre. Ils ne boivent que de l’eau ou de l’eau de vie. La classe aisée boit du cidre et mange pour toute viande du lard salé.

Constitution médicale des mois d’avril et de mai :

Mois d’avril : Pendant ce mois l’air a été alternativement humide et sec, des vents violents ont soufflés, les rigueurs de l’hiver ont reparu dans la dernière quinzaine. Le contraste du soleil chaud et de l’atmosphère humide et froide a occasionné beaucoup de maladies. On a eu des fluxions de poitrines, des pleurésies, des catarrhes, des rhumatismes, des fluxions, des éruptions cutanées, des apoplexies et des maladies nerveuses.

Mois de Mai : le printemps a semblé revenir mais après quelques beaux jours l’air s’est à nouveau refroidi, l’atmosphère est devenu humide, des plus abondantes ont eu lieu à diverses reprises, des vents impétueux se sont élevés, les affections aiguës de la poitrine qui semblaient avoir fait place aux maladies bilieuses ont reparu.

Causes présumées de la maladie et de la mortalité : Les causes de la maladie paraissent dépendre de la disposition particulière des individus, de leurs mauvaises nourritures, de leurs logements peu salubres, de leur exposition presque naturelle aux changements brusques de la température et par l’air peu salubre de leur logis.

Description de la maladie :

Les malades éprouvent pendant plusieurs jours une toux légère, ils perdent l’appétit, la bouche devient amère, pâteuse, le soir il survient des frissons et même quelque fois un froid assez vif suivi de chaleur et de petites sueurs dans la nuit. Bientôt une douleur de côté lancinante, dypnée et expectoration, d’abord muqueuse ensuite les crachats de viennent glutineux, épais jaunâtres et plus ou moins sanguinolents suivant l’intensité de la maladie…

. Traitement :

Je faisais appliquer des sangsues sur le côté chez les malades dans la force de l’âge et qui crachaient du sang, afin de désengorger le tissu capillaire du poumon. Ensuite je faisais vomir avec l’émétique en lavement. Ordinairement j’en donnai un grain dans une pinte d’eau de veau ou de petit lait. Après les vomissements l’oppression diminuait quelque fois même disparaissait en entier. La respiration devenait plus facile. Je donnai des lavements émollients. Je permettais le bouillon aiguisé d’oseille. Vers la fin de la maladie qui avait lieu qui avait lieu du 9e au 14e jour je prescrivais un purgatif doux pour achever d’entraîner les derniers sabures des voies digestives….

La maladie commença à se montrer dans la commune de Lignières vers le 15 avril. Le 27 lorsque j’arrivai dans la commune il y avait 40 individus de morts ou mourants. Depuis ce temps jusqu’à la fin du mois de mai j’ai traité dans cette commune 61 personnes, 2 sont morts. Il eu en tout 101 personnes de malades, 42 ont succombé, et 59 sont guéries. Il n’a pas été possible de faire l’ouverture des corps des morts".

                                                                                                                                    Mayenne le 1er juin 1816 Dr Lemercier

 

En 1818 de violentes tempêtes sur l’Europe :

Dans le journal de Rouen en 1818 nous constatons la narration de nombreuses tempêtes sur terre et sur mer qui ont fait de nombreux naufrages et beaucoup de victimes, hommes et oiseaux. C’est ainsi qu’en mars 1818 on écrit que les tempêtes qui viennent de se produire ont rejeté sur la côte un nombre prodigieux de cadavre d’oiseaux de mer. Ce même mois, le dernier ouragan en Angleterre a occasionné d’importants dégâts. Sur la Seine et l’Oise un grand nombre de bateaux ont éprouvés des dommages considérables. De Bruxelles ont cite le nombreux naufrages en mer et les côtes sont couvertes de cadavres et débris de vaisseaux.

En Mars 1818 l’expédition anglaise dans les mers boréales, du fait que la température plus douce fait fondre les glaces, cherche le passage de l’atlantique à l’océan Pacifique.

Constatation de la mortalité française par l'Ined (Instiut National d'études démograrphiques au cours des années 1811-1820 :

 (en 1814 on a une épidémie de typhus)

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Conclusion  :

L’éruption gigantesque du Tambora a provoqué la mort de plus de cent mille personnes et des bouleversements climatiques ressentis les années suivantes. Le climatologue anglais Michael Chenoweth a consulté les nombreuses archives du Muséum Naturel de Londres, notamment les journaux de bord des navires de la Marine anglaise, véritables stations météo itinérantes. Il a cherché à comprendre ce qu’il s’était passé en mer pendant cette période. Le volcanologue Haraldur Sigurdsson a effectué des fouillages dans le voisinage du volcan et a découvert un village enfoui dans les cendres qu’il exhume peu à peu. Ca serait selon lui la Pompéï de l’Asie.

28 novembre 2013

ERUPTION DU KATMAI DU 6 JUIN 1912

Eruption du Katmai juin 1912

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Cette année 2012 marquera l’éruption du KATMAI qui a eu lieu du 6 au 8 juin 1912. Ce volcan est situé sur la presqu’île d’Alaska, à 160 km au nord-ouest de l’île Kodiak aux grizzlis géants. Cette éruption d’un VEI 6 est considérée comme une éruption majeure ayant eu un impact climatique important. Elle a envoyé dans la stratosphère 5 millions de tonnes de dioxyde de soufre. Une étude financée par la Nasa estime qu'elle a provoqué une baisse des températures estivales dans l'hémisphère nord. Elle a en outre affaibli la mousson asiatique, réchauffé l'Inde, et refroidi l'Asie L'hiver suivant. Les aérosols volcaniques ont été « efficaces », en effet dès le mois août 1912 on constate en France une baisse significative de la température (cf graphique pour les années 1907-1916- relevés température moyenne mensuelle pour les mois d'août à octobre à Paris, et les précipitations du mois d’août à Rouen) De nombreux articles ont été écrits dans la presse régionale de l’époque : C'est ainsi que dans le journal du Loiret du 17 août 1912 on écrit : « L'automne anticipé – Pour une bonne farce, c'en est une que nous joue cet hiver qui vient s'asseoir au beau milieu de l'été. A la mer il fait froid, à la montagne, il neige. Ici nous sommes arrosés sempiternellement et nous grelottons. Les chapeaux de paille ont disparu, en revanche a ressorti les pardessus. L'an dernier, à pareille époque nous avions 35°, aujourd'hui nous avons 15° et nous souffrons du froid. »

A Rouen, nous ne sommes pas mieux traités. M. Raymond Coulon, secrétaire de la commission départementale de la météorologie écrit : « En août le mois commence par une longue dépression jusqu'au. Le 10 alors le baromètre est en hausse, orage avec grêle et vent du nord. Une baisse assez profonde commence rapidement le 12 et dure jusqu'au 16, elle donne de la pluie; La baisse recommence le lendemain et dure jusqu'au 25, elle donne du vent du sud fort. Le 23 commence une nouvelle dépression qui se creuse profondément le 25 et jusqu'au 30. En résumé ce mois a présenté une extraordinaire agitation barométrique et aucun des jours marqués comme beaux n'a été exempt de nuages. » En septembre c'est la même chose, le mois est froid surtout la 1ère décade. Pendant la 2e et la 3e la courbe des maximums se tient en dessous de la courbe décennale. L'éruption a bouleversé le temps, d'après Guillaume Séchet de météo-France du 8 au 14 mai 1912 les températures atteignent jusqu'à 33°C à Paris, 34° C à Toulouse et 36°C à Clermont-Ferrand. Et brusquement après l'éruption de juin la vague de chaleur précoce de mai disparaît pour faire place à des températures restant constamment inférieures aux moyennes observées en cette saison. C'est ainsi qu'à Brest la valeur maximum d'août n'est que de 19°.24° à Paris etc... Sans compter les innombrables tempêtes d'automne, alors que nous sommes en août, qui s'abattent un peu partout en Europe. C'est ainsi que dans le journal de Rouen du 16 Août 1912 on relève les tempêtes suivantes : Rennes le 14 août – Dans la baie de St Brieuc, plusieurs bateaux ont été brisés contre les rochers. A Saint-Quai-Portrieux le bateau de pêche Gambetta a fait naufrage... A Saint-Brieuc, Guingamp, Morlaix on signale d'importants dégâts. La récolte du blé, on encore non enlevée à cause de la pluie à été emportée par l'ouragan. Chalon-sur-Saône le 14 août – Une violente tornade a sévi sur différentes communes. Les eaux de la Saône ont été soulevées et lancées sur la Tuilerie Brusson où toutes les tuiles ont été arrachées..., des champs entiers ont été dévastés et les dégâts sont énormes. Toulon, le 14 août – La température reste anormale. Dans toute la région, les orages d'hier ont causé des dégâts, le baromètre a faibli jusqu'à sept cent quarante. Nous avons eu comme température minimum 16° et maximum 21°. L'Espagne n'est pas épargnée, c'est ainsi qu'à Bilbao 14 barques de pêcheur ont fait naufrage, il y a 19 noyés. À Azzola le nombre de victimes des naufrages occasionnés par la tempête s'élève à 119 (le Petit Niçois du 16 août).

Le 22 septembre 1912, il gèle sur presque toute la France. Les températures maximales du mois arrivent à peine à dépasser les 20° sur la moitié nord. L’anomalie thermique touche tout le nord-ouest de l’Europe.

En Octobre de nouvelles tempêtes. Dans le journal de Rouen du 1er octobre, on apprend qu'à Rouen « cette tempête était dans toute son intensité de minuit à quatre heures du matin, marins et mariniers ont dû veiller et doubler les amarres de leurs navires. Le vent hurlant lugubrement dans les rues, secouant les toitures d'où il arrachait tuiles et ardoises, a tenu les habitants éveillés une partie de la nuit. Sous les coups répétés de la tempête agissant comme un bélier, une partie de la maçonnerie de la cathédrale s'est abattue vers trois heures du matin place de la Calende ». En Seine-Maritime à Barentin, Le Havre, Londinières, le Tréport on ne compte plus les dégâts. Toujours le 1er octobre on enregistre un cyclone à l'embouchure de la Loire qui occasionne bien des soucis. C'est ainsi qu'au Chantiers de la Loire à Saint -Nazaire le barrage de la cale du cuirassé en construction « France » a été arraché presque entièrement, tandis que dans le bassin une vague dont on évalue la hauteur à plus de dix mètres faisait chavirer les petites embarcations et incliner d'une façon effrayante le paquebot «Versailles ». Le cyclone n'a duré que l'espace de quelques minutes. Une pluie torrentielle lui a succédé, accompagnée d'un vent très violent qui souffle encore.

Phénomènes divers : Toujours à Rouen M.Coulon enregistre les phénomènes suivants : Coloration anormale des fruits –«  le 4 septembre plusieurs personnes me font remarquer la coloration anormale des fruits. Les pommes, les poires sont beaucoup plus colorées que de coutume, malgré l'absence de soleil. Les fleurs des bégonias sont habituellement blanches, en ce moment elles sont roses. A quoi attribuer cette coloration?.... » écrit-il. Coloration anormale du ciel – le bleu du ciel, même par une très belle journée, prend quelquefois une teinte pâle, d'un blanc laiteux très caractéristique. En général elle ne persiste pas au delà de quelques heures dans une journée. Cette année nous l'avons constatée presque journellement pendant toute la vague de froid dont nous avons été victimes tout l'été. M. Coulon a relevé la coloration du ciel d'un blanc laiteux la première fois le 28juin et la dernière fois le 21 septembre 1912. graph_temp.jpg

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L'observation des deux graphiques montre bien que le mois d'août 1912 fut à la fois froid (12,55°) et pluvieux 151 mm. A Rouen on a enregistré 27 jours de pluie avec une hauteur de 166.2mm, alors que depuis 1888 la moyenne décennale pluviométrique calculée pour le mois d’août recense 13 jours de pluie et 54mm d’eau, soit presque 300%.

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En 1912 on enregistre à Rouen une « poussée » importante de la fièvre typhoïde . Elle pourrait être due aux mauvaises conditions atmosphériques ainsi qu’à un réseau d’eau potable laissant sérieusement à désirer. ( La différence de 48 malades s’explique par le fait que l’histogramme reprend les chiffres parus en 1938 qui ne tient pas compte des étrangers à Rouen)

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Conclusion : Les différentes observations météorologiques, climatiques et optiques, constatées à cette époque permettent de penser que l'éruption du KATMAI n'a pas été sans conséquence sur la vie quotidienne des français. Et si elle n’avait pas eu lieu, ce temps venteux, pluvieux et froid, qui est presque unique les annales du XXe siècle pour un mois d’août n’aurait certainement pas existé.

28 novembre 2013

LE TEMOIGNAGE DU Dr LOUIS PECQ DE LA CLOTURE

LE DR LOUIS LEPECQ DE LA CLOTURE AU TEMPS « DU NUAGE MORTEL » DE L'ERUPTION DU VOLCAN ISLANDAIS LAKI EN JUIN 1783

Le 8 juin 1783, l'éruption du volcan islandais LAKI a commencé par l'ouverture d'une fissure longue d'une vingtaine de kilomètres. D'énormes fontaines de lave eurent pour spectateur le révérend père Jon Steingrimson qui durant 8 mois relata jour après jour l'éruption. Ce fut une éruption catastrophique qui a eu des conséquences climatiques sur tout l'hémisphère nord de la planète. Par son intensité elle produisit un nuage de pollution appelé par les anciens « le brouillards sec » qui allait séjourner de longs mois sur la France. Ce nuage était constitué principalement de dioxyde sulfurique et d'acide fluorhydrique.

A Rouen :

Le célèbre docteur Louis Lépecq de la Cloture, médecin «hippocrate normand » qui exerçait à Rouen depuis une vingtaine d'années avait été désigné par Vicq d'Azir, secrétaire perpétuel de la Société Royale de Médecine, comme médecin des épidémies de la Normandie.

Il décrit le brouillard sec :

« En juin 1783 nous avons eu au commencement du mois deux à trois jours de brouillards légers et humides... Tout a coup se sont élevés ces brouillards secs et épais presque universels en Europe. Il n'ont paru chez nous que le 21 juin au soir et ont continué jusqu'à la fin du mois....avec du vent du nord-ouest qui n'empêchait point que toutes les nuits furent chaudes et les jours orageux. Le 25 le brouillard était très fétide. Nous eûmes un orage terrible dans la nuit et le lendemain matin » « En juillet ces brouillards donnèrent de l'inquiétude pour la fleuraison du bled, car ils avaient déjà fait couler la fleur de nos vignes normandes en faisant éclore une quantité d'insectes qui dévoraient les grappes. Il y eut aussi beaucoup de chenilles dans les pommiers. Dans nos plaines les trèfles et les fourrages tendres ont été brûlés. Les mêmes brouillards ont continué jusqu'aux jours caniculaires. Ils étaient encore très épais puisqu'ils obscurcissaient le soleil et la lune... »

Les maladies constatées par le Dr Lépecq :

« A peine touchions nous aux jours caniculaires, moment où nous ont quitté les brouillards qui n'avaient pas affaibli la chaleur de l'atmosphère brûlante, moment où les maux de gorge ont disparu quoiqu'ils eussent été multipliés dans le cours de juillet et cependant fort peu dangereux. Tout à coup nos habitants (Rouen) et ceux de la campagne ont été frappés des atteintes du choléra, de secousses, de vomissements, de coliques vives, de diarrhées fatigantes. Je crois devoir rejeter encore la cause qui me paraît avoir concouru à produire les énormes irritations de l'estomac et des entrailles, c'est la mauvaise qualité de pain que nous mangeons, pain toujours «maté », mal fermenté, mal cuit. Qualité qui sans doute est le résultat des bleds mouillés lors de la récolte de 1782. Est-cette dernière cause combinée avec les grandes chaleur prolongées en août que nous avons eu la continuité des secousses nombreuses et violentes du choléra... » « Les intermittentes (sans doute le paludisme) ont présenté chez les jeunes sujets et les enfants des symptômes extraordinaires, des convulsions, des hémiplégies instantanées; des affections comateuses au moment du paroxysme et souvent pendant sa durée ». « Ainsi se terminait notre été le plus injecté des vapeurs atmosphériques et le plus fécond en maladie que j'ai vu depuis vingt ans que j'écris les maladies régnantes. Je suis en état d'attester que la contrée de Caux et du Roumois étaient dans une situation désolante par la quantité de maladies qui y régnaient. Les cantons de plaines dans ces deux contrées se trouvaient infestés des fièvres d'accès irrégulières et souvent malignes. Les paroisses les plus rapprochées des bois, des rivières étaient atteintes de coliques bilieuses et dysentériques qui s'établissaient d'une manière inquiétante.

Le scorbut :

Le Dr Lépecq constate une recrudescence d'un scorbut aigu : des rouennais qui apparemment n'étaient pas atteints de carence alimentaire, perdaient leurs dents, avaient aphtes, des plaies aux jambes et de grandes douleurs. En 1783, il écrivit un mémoire sur deux formes de scorbut : le scorbut des gens de mer et le scorbut aigu. Un de ses confrères adresse lui aussi, toujours en 1783, un mémoire sur le scorbut à la Société Royale de Médecine, dont j'ai pu consulter les archives à la bibliothèque de l'Académie de Médecine. Pendant la période le révérend père Steingrimsson, dans son journal quotidien, parle d'un empoisonnement provoqué par les retombées de cendre. Il cite le scorbut et parle des mêmes douleurs rencontrées par les rouennais, de ces gangrènes, nécroses, etc... Des recherches archéologiques récentes prouvent que les islandais ont été atteints de fluoroses, des nodules sur les ossements exhumés sont parlants. Le fluor aurait fait des victimes aussi en Normandie.

Les fièvres intermittentes ou le paludisme : Le Dr Lépecq décrit le changement climatique, il constate notamment un surcroît de chaleur étouffante et des pluies apportées par de très nombreux orages très violents. Il remarque que les fièvres intermittentes sont de retour et provoquent des comas mortels chez les très jeunes enfants. Nous savons aujourd'hui que les fièvres intermittentes peuvent être assimilées au paludisme qui était endémique dans les zones tempérées et notamment en France au cours des 17, 18e et jusqu'à la fin du 19e siècle. La Normandie avait sa part importante de « fiévreux » comme on les appelait à l'époque. Par exemple dans le quartier de Graville-l'Eure au Havre il y avait encore en 1859 une épidémie de fièvre paludéenne, cette épidémie a été décrite à l'époque par le Dr Lecoudre. Le Dr Lépecq décrit les trois phases des symptômes de la maladie parasitaire :

1-période de froid : frissons qui durent d'un quart d'heure à plusieurs heures,
2-période de chaud : le malade est en proie à une chaleur excessive, le pouls est développé, la soif vive, les urines rares.
3-période de la sueur : les symptômes perdent de leur intensité, il s'ensuit une sueur générale et abondantes.

Mais quel est donc le lien entre une modification climatique d'origine volcanique et le paludisme. Aucune en apparence. Cependant la forte chaleur et les pluies orageuses abondantes, sont les conditions climatiques idéales pour que les larves de l'anophèle, responsable du paludisme, puissent se nourrir convenablement. Le plancton dont elles se nourrissent prospère. En une phrase :  « la lave du volcan a réveillé indirectement la larve du moustique ». Il convient de souligner que les jeunes enfants (moins de 5 ans) sont les premières victimes du paludisme. Aujourd'hui il en est encore malheureusement ainsi dans les pays où sévit cette terrible maladie. En effet, le Plasmodium falciparum était à cette époque en France très meurtrier. Il attaque notamment les cellules du cerveau et provoque une encéphalopathie aiguë. Le sujet tombe rapidement dans le coma et meurt rapidement s'il n'est pas énergiquement soigné.

Hiver 1783/1784 :

Cet hiver fut très long du milieu décembre à mi-février et très neigeux puisque à partir du 2 janvier en plaine la terre a été recouverte de près de deux pieds (environ 60 cm). Des inondations sur toute la France suivirent à la fin de février. A Rouen le pont de bateau fut une fois de plus emporté. La vigne normande subit de graves dommages dont elle ne se releva pas.

Relevé de température effectuée en janvier 1784 par Le Dr Lépecq et adressé à la Société Royale de Médecine à Paris

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Comme pour le reste de la France on constate en Seine Maritime que les mois de juillet 1783 à avril 1784 furent très mortifères.

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50 paroisses de Normandie ont été recensées pour les années 1773 à 1788, la mortalité des mois de juillet à avril 1784 est de plus 39 %.pour une population estimée à 161,900 habitants. La surmortalité constatée en Normandie équivaut à celle de la France. Pour une population globale de 26,500,000, après un travail de compilation de 8 mois, on peut en déduire, une surmortalité de 130,000 décès au cours des mois de juillet 1783 à avril 1784.

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L'importance des chiffres énoncés laisse à penser que le Dr Lépecq ainsi que ses collègues médecins ont eu beaucoup de travail pendant cette période. Le Dr dans sa « collection d'Observations sur les maladies et constitutions épidémiques » a consacré 70 pages pour traiter des maladies de l'année 1783 dans le 4e volume de sa véritable encyclopédie. Pour son immense travail il fut récompenser par le roi qui l'anoblit. Cette récompense aurait pu lui être fatale. En effet après avoir été emprisonné pendant de longs mois il fut contraint de quitter Rouen. Entre le jour de sa libération et le jour de son « expulsion »il se retira à Croisset, car étant noble il ne pouvait plus séjourner à Rouen. On ne l'autorisa même pas à revenir à Rouen pour préparer son déménagement. Il est certain que beaucoup de ses livres et documents furent perdus à jamais. Son dévouement pour soigner les rouennais fut en définitif bien mal récompensé. Et le volcan depuis 1783 continue à reconstituer ses réserves pour nous « asphyxier »dans un avenir plus ou moins proche. Ca sera beaucoup plus grave que l'interruption de la navigation aérienne pendant quelques jour en 2010.

 

28 novembre 2013

ERUPTION DU LAKI EN 1783

ERUPTION DU LAKI EN JUIN 1783

 

 

L’éruption fissurale du Lakkagigar ou Laki s’est produite en Islande à partir du 7 juin 1783.Cette fissure est située dans la partie méridionale du fossé de la ride médio-atlantique. Elle est la conséquence de la dérive des continents dont le père est Alfred Wegener en 19111. L’Islande est née il y a 20 millions d’années, lors de la création de l’océan Atlantique Nord. Cette île a surgi du fond de l’océan à cause de la montée d’un panache mantellique provenant du tréfonds du manteau et peut-être même de la frontière du noyau. Cet énorme « champignon de chaleur » produit donc d’énormes quantités de magma qui s’écoulent périodiquement à la surface de l’Islande.

 

Le 8 juin 1783, après un mois de tremblements de terre, le réveil de cette zone sensible se manifeste par l’ouverture d’une fissure longue d’une vingtaine de kilomètres. D’énormes fontaines de lave eurent pour spectateur le révérend père Jon Steingrimson qui, durant huit mois, relata jour après jour l’éruption. Le texte en islandais a été traduit en anglais, il est donc possible de découvrir toutes les conséquences de cette éruption, notamment sur la santé des islandais de l’époque.

 

Plus de 100 petits cratères apparurent sur cette fissure, certaines coulées de lave atteignirent 60 km et couvrirent 565 km2. Le total de ces coulées représente 12 km3 avec un débit de l’ordre de 2200 m3/s (un véritable fleuve de feu) qui fait de cette éruption le plus important épanchement basaltique des derniers siècles. D’énormes quantités de gaz furent émises, notamment de soufre, de chlore et aussi du fluor qui contaminèrent les eaux de surface et les pâturages islandais3.

 

Cette extraordinaire colonne gaz rejoignit les premières couches de la stratosphère et les courants ascendants, elle se répandit sur tout l’hémisphère nord, notamment en Europe4.Appelée par les savants de l’époque «  le brouillard sec » par ce qu’il n’influençait pas les hygromètres, cette brume volcanique collait à la peau, sentait le soufre, desséchait les végétaux, anesthésiait les mouches, etc… Elle créa une véritable pollution naturelle qui eut des répercussions sur la santé des humains et répandit la terreur dans la population. L’astronome De La Lande, dès le mois de juillet 1783, fit un article dans un journal parisien, repris dans le journal de Normandie pour apaiser les esprits bien troublés.

 

BROUILLARD SEC - CHRONIQUE DE DE LA LANDE DANS LE JOURNAL DE NORMANDIE

 

Le tremblement de terre et le désastre de la Sicile ont effrayé bien du monde ; celui de Hongrie a augmenté la crainte. Depuis quinze jours on a remarqué que le soleil était masqué d’un brouillard et paraissait de couleur de feu. Il n’en fallu davantage pour répandre la terreur dans certains esprits qui ne connaissent rien à la physique et qui s’imagine que le monde allait entrer dans le néant. Il était juste qu’un homme instruit vint calmer ces craintes. M. de la Lande l’a fait dans le Journal de Paris du 2 de ce mois par la lettre suivante :

 

« Vous savez, Messieurs, que depuis quelques jours on se demande sans cesse à quoi tient le Brouillard Sec et épais dont le ciel est presque toujours couvert : on le demande surtout aux astronomes et je crois que vous devez un mot de réponse à ces sortes de questions, surtout quand la terreur commence à s’en mêler. Le bruit se répand que le désastre de la Calabre a commencé de même, qu’il paraît une comète dangereuse, je n’ai que trop éprouvé en 1773 que ces sortes de bruits (qui commencent dans la partie du peuple nécessairement ignorante dans les pays et dans les cercles mêmes les plus éclairés) parlent enfin jusque dans la bonne compagnie, quelque fois dans les Gazettes, et comment ce soleil qui paraît couleur de sang en répandant une lumière triste et une chaleur étouffante, ne ferait-il pas raisonner le peuple ? Cependant tout ce que nous voyons est un effet très naturel d’une chaleur un peu forte, succédant à de trop longues pluies, sans qu’il y ait eu pour ainsi dire de gradation. La première impression de cette chaleur a dû sublimer tout à la fois une très grande abondance de parties aqueuses, dont la terre était profondément pénétrée et leur donner, dès le premier temps de leur élévation une qualité sèche et un degré de raréfaction plus grand que celui des brouillards ordinaires.

 

Cet effet qui me semble très naturel ne me paraît pas très nouveau : du moins la période de 19 ans (qui ramène la lune à la même position dans les mêmes jours de l’année et qui semble avoir aussi quelques rapports avec les saisons) nous présente un exemple qu’on peut citer. Voici ce qu’on dit dans les Mémoires de l’Académie parmi les observations météorologiques de 1764 sur le mois de juillet : « Le commencement de ce mois a été humide et la fin fort sèche, depuis le deux jusqu’au neuf le vent a toujours été au nord. Les matins il faisait du brouillard et pendant le jour le ciel était comme en fumée ». Voilà qui ressemble assez à notre fin de juin pour qu’on puisse dire que ce n’est une chose inouïe, il n’y eut en 1764 que des orages et de la grêle, ainsi nous n’avons rien de plus à redouter pour 1783. J’ai honneur d’être ». DE LA LANDE de L’Académie des Sciences (Extrait du journal de Normandie du 11 juillet 1783)

 

Ce brouillard sec, qui séjourna sur la France pendant plus de trois mois, eut un impact sur le climat. L’été 1783 fut chaud avec continuellement de violents orages qui mirent le feu à beaucoup de granges et maisons. C’est ainsi qu’à Saint Dié dans les Vosges, le docteur Poma,1 écrit que durant cette période la foudre est tombée 5 fois dans sa propriété.

 

L’ERUPTION DU LAKI DECRITE DANS LE JOURNAL DE NORMANDIE DU 14 NOVEMBRE 1783

 

Le premier jour de la Pentecôte de cette année, il s’est formé dans le Mont Skafran, situé dans le district de Skafiefield, un volcan qui s’est tellement développé, que tout le lac a été desséché, et ne forme plus qu’un terrain pierreux….et huit maisons de paysans ont été brûlées à la fois et ne font plus qu’une masse de pierres calcinées ; suivant les rapports qu’on en reçoit, la flamme roulait comme une mer agitée, et embrasait tout ce qu’elle rencontrait, demanière que terre, pierre tout était enflammé ; on aurait dit un feu violent qui tantôt se répand avec impétuosité, tantôt ne fait sa marche qu’avec lenteur. D’après ces derniers avis, ce terrain de feu s’étend de plus en plus, de sorte qu’on peut dire avec certitude qu’il a déjà envahi un espace de terrain de plus de sept milles de large sur quatorze de long. Ce n’est pas à cela seul que ce réduit le mal ; on peut présumer, avec beaucoup de vraisemblance, qu’il est beaucoup plus considérable ; les vapeurs de soufre, de salpêtre, de cendre & de sable exhalées de la terre, ont telle obscurci l’atmosphère, que tout le pays est abîmé dans les horreurs d’épaisses ténèbres.

 

Depuis le huit jour après la Pentecôte, il a été impossible de voir & de distinguer le soleil, fi ce n’est ;à son lever et à son coucher ; et alors il paraissait comme une masse épaisse. Cette terrible nuit empêche d’avoir des détails plus circonstanciés, et l’on ne fait pas encore positivement combien de nouveaux volcans se seront formés, et sur quelle étendue de terrain ce phénomène terrible de la nature se sera développé.

Ce qui mérite d’être remarqué, c’est que l’on distingue des éminences et de hautes montagnes mêmes dans les lieux où il n’y avait ci-devant que des plaines. L’isle nouvelle, sortie du sein des flots, près des côtes de Kugleskiares, s’étend de plus en plus et brûle continuellement ; les pierres calcinées qui en sortent sont lancées jusque sur le rivage opposé. On ne peut pénétrer ce qui résultera de ces phénomènes nouveaux ; mais on pense, avec effroi, aux suites funèbres qu’ils paraissent annoncer.

 

Morbidité et mortalité :

Selon J. Grattan, géographe anglais de l’Université du Pays de Galles1 il s’est produit en Angleterre et en France une mortalité anormale. Il pense qu’une cause commune en serait responsable : les gaz émis par la fissure du Laki. Cette éruption a eu un impact important sur l’environnement européen et elle a provoqué des maladies que nous pourrions retrouver lors de n’importe quel accident moderne de pollution atmosphérique. Outre des maladies respiratoires, les études actuelles des accidents de pollution atmosphérique mettent en évidence des maladies cardio-vasculaires.

 

Le Dr Jean-Pierre Besancenot de Dijon, spécialiste de la médecine climatique, qui a décrit en 2002 les dégâts provoqués par une canicule type 2003, émet lui aussi l’hypothèse que la hausse analogue de mortalité qui s’est produit simultanément en France, en Angleterre, en Hollande, (et nous ajoutons aussi en Belgique) pourrait avoir une même cause externe, à savoir les gaz volcaniques émis par la fissure du Laki2.

 

Pour Vincent Courtillot, directeur de L’Institut de Physique du Globe de Paris, spécialiste de l’étude des grandes extinctions en masse d’espèces biologiques, l’éruption du Laki libéra dans l’atmosphère des produits acides à des concentrations supérieures au niveau critique pour la santé humaine, et ce, à l’échelle du continent européen. Au sol, il a calculé une concentration des produits soufrés de 1000 parties par million en Islande et de 50 parties par million en Europe occidentale. Les volcanologues considèrent qu’on ne peut rester plus de 15 minutes à proximité d’un volcan actif quand la concentration est supérieure à 300 parties par million. Les variations de température amplifièrent les effets mortels de cette pollution, cause de difficultés respiratoires, de maladies cardio-vasculaires et d’autres formes de stress sévères.

 

 

Les troubles de subsistances dans la Généralité de Rouen après l’éruption du Laki :

Les chroniqueurs nous apprennent que 30 % des islandais sont morts suite aux différentes épidémies et à la famine après l’éruption du Laki. En France, dès 1784, des troubles dus à la disette sont signalés un peu partout et notamment dans la province normande. Par exemple le curé de Fauville fait connaître à l’Intendant, 3 dans sa lettre du 23 mai 1784, que les causes de la révolte sont la cherté du grain et la crise de la manufacture.

Toujours en 1784, selon le marquis de Cany qui vit au cœur du pays de Caux : « Les fermiers sont accusés d’avoir chez eux de grandes provisions » mais en fait, dit, il n’y a presque plus de blé, les rats des champs par l’hiver rude ont dévoré les réserves des granges.

On parle aussi d’exportation clandestine. En 1784, Godart de Belbeuf, procureur général du Parlement, reçoit de Longueville, en Normandie, la lettre suivante : « Le monde pleure et gémit de se voir mourir de faim avec leurs enfants, sachant qu’il y encore du blé. Les laboureurs vendent presque tout chez eux, nous en voyons passer vingt sacs dans notre bourg, d’apparence c’est pour exporter…. »

En 1784, le bruit circule que, du pays de Caux, les seigneurs amassent leurs blés dans leurs châteaux et les font embarquer la nuit (lettre de M. Massy à Godart de Belbeuf)4 Au cours de l’hier 1784, les bois de l’archevêque de Rouen, situés à Déville et à Canteleu furent pillés, faute de chauffage.

Lettre du 16 mai 1784 du curé du Landin près de Bourg-Achard à Godart de Belbeuf :

Monsieur,

« Permettez que par forme de requête je porte aux pieds de votre humanité les plaintes amères de mes pauvres paroissiens dont le sort accablant est aussi sans doute celui de tant d’autres. Dans le temps où la bonté de notre auguste Monarque leur fait espérer le soulagement de la misère où les a plongés le cruel hiver d’où nous sortons, un autre fléau plus affreux encore les menace d’une destruction entière. La famine, mais une famine malicieusement produite par la plus indigne cupidité. Les marchés ne sont plus suffisamment pourvus de grains, le laboureur s’obstine à les garder chez lui et le peu qu’il emporte à vendre, il en exige un prix exorbitant… »

Ces différents témoignages révèlent un début de crise frumentaire, mais aussi une spéculation que le peuple supportera très mal au fil des ans, pour aboutir finalement à 1789.

 

Le Docteur Lépecq de la Cloture, médecin des Epidémies :

Le docteur Louis Lépecq de la Cloture, médecin « hippocrate normand », qui exerçait à Rouen depuis une vingtaine d’années avait été désigné par Vicq d’Azyr5comme médecin des épidémies de la Normandie. (Vicq d’Azyr dirigeait l’enquête nationale sur les diverses maladies que rencontraient localement les médecins ainsi que les traitements prescrits).

Lépecq tout en pratiquant son art auprès de ses malades, écrivait de nombreux mémoires. Il fit publier de 1778 à 1793 un ouvrage en six volumes, où il fait part des observations sur les maladies de l’époque et de la façon de les soigner. Il était à la fois météorologiste, géographe, démographe, géologue, sociologue et bien sûr médecin. Grâce à ses connaissances, à ses capacités d’observateur averti, nous découvrons la fragilité de la santé des Normands à la fin du XVIIIe siècle6.

 

Description du brouillard sec par le Dr Lépecq :

« En juin 1783 nous avions eu au commencement du mois deux à trois jours de brouillard légers et humides… Tout à coup se sont élevés ces brouillards secs et épais presque universels en Europe. Ils n’ont paru pour nous que le 21 au soir7 et ont continué jusqu’à la fin du mois… avec du vent du nord et du nord-ouest qui n’empêchait point que toutes les nuits fusent chaudes et les jours orageux. Le 25 le brouillard était très fétide. Nous eûmes un orage terrible dans la nuit et le lendemain matin ».

« En juillet, ces brouillards donnaient de l’inquiétude pour la fleuraison du bled, car ils avaient déjà fait couler la fleur de nos vignes normandes en faisant éclore une quantité d’insectes qui dévoraient les grappes. Il y eut aussi beaucoup de chenilles dans les pommiers. Dans nos plaines les trèfles et les fourrages tendres ont été brûlés. Les mêmes brouillards ont continué jusqu’aux jours caniculaires. Ils étaient encore très épais puisqu’ils obscurcissaient le soleil et la lune … »

 

Les maladies constatées par le Dr Lépecq :

« A peine touchions nous aux jours caniculaires, moment où nous ont quitté les brouillards qui n’avaient pas affaibli la chaleur de l’atmosphère brûlante, moment où les mots de gorge ont disparu quoiqu’il eussent été multipliés dans le cours de juillet et cependant fort peu dangereux. Tout à coup nos habitants (Rouen) et ceux de la campagne ont été frappés des atteintes du choléra, de secousses, de vomissements, de coliques vives, de diarrhées fatigantes.

Je crois devoir rejeter encore la cause qui me paraît avoir concouru à produire les énormes irritations de l’estomac et des entrailles, c’est la mauvaise qualité de pain que nous mangeons, pain toujours « maté », mal fermenté, mal cuit. Qualité qui sans doute est le résultat des bleds mouillés lors de la récolte de 1782. Est-ce cette dernière cause combinée avec les grandes chaleurs prolongées en août que nous avons eu la continuité des secousses nombreuses et violentes du choléra … »

« Les intermittentes ont présenté chez les jeunes sujets et les enfants des symptômes extraordinaires, des convulsions, des hémiplégies instantanées, des affections comateuses au moment du paroxysme et souvent pendant sa durée »

Ainsi se terminait notre été le plus injecté des vapeurs atmosphériques et le plus fécond en maladie que j’ai vu depuis vingt ans que j’écris les maladies régnantes. Je suis en état d’attester que la contrée de Caux et du Roumois étaient dans une situation désolante par la quantité de maladies qui y régnaient. Les cantons de plaines dans ces deux contrées se trouvaient infestés des fièvres d’accès irrégulières et souvent malignes. Les paroisses les plus rapprochées des bois, des rivières étaient atteintes de coliques bilieuses et dysentériques qui s’établissaient d’une manière inquiétante.

Les vallées de la Seine étaient désolées par les fièvres continues, rémittentes, bilieuses, qui prenaient souvent le type maligne. C’est ainsi que l’importante paroisse de Watteville dont nous avons tant dénoncé les malheurs et qui n’avaient pas de malades à la fin juillet a vu renaître son épidémie ordinaire aussitôt qu’on eût porté la faux dans les herbes saigneuses des terres d’alluvions (de la Seine).

 

Le scorbut :

Le Dr Lépecq constate une recrudescence d’un scorbut aigu : des rouennais qui, apparemment n’étaient pas atteints de carence alimentaire, perdaient leurs dents, avaient des aphtes, des plaies aux jambes et de grandes douleurs. En 1783, il écrit un mémoire sur deux formes de scorbut : le scorbut des gens de mer et le scorbut aigu. Un de ses confrères adresse lui aussi, toujours en 1783, un mémoire sur le scorbut à la Société royale de Médecine, dont nous avons pu consulter les archives. Pendant la même période, le révérend père Steingrimsson, dans son journal de l’éruption du Laki, parle d’un empoisonnement provoqué par les retombées de cendre. Il cite le scorbut et parle des mêmes douleurs rencontrées, de ces gangrènes, nécroses, etc. Des recherches archéologiques récentes prouvent que les islandais ont été atteints de fluorose, des nodules sur les ossements exhumés sont parlants. On peut se demander si dans la composition du brouillard sec il n’y avait pas, en plus du soufre, également du fluor ce qui expliquerait que les médecins de l’époque évoquent le scorbut aigu !

 

Les fièvres intermittentes, ou le paludisme :

Le Dr Lépecq décrit le changement climatique, il constate notamment un surcroît de chaleur étouffante et des pluies apportées par des orages très violents. Il remarque que les fièvres intermittentes sont de retour et provoquent des comas mortels chez les très jeunes enfants. Nous savons aujourd’hui que les fièvres intermittentes peuvent être assimilées au paludisme qui était endémique dans les zones tempérées et notamment en France au cours des XVII, XVIII et jusqu’à la fin du XIXe siècle. La Normandie avait sa part importante de « fiévreux » comme on les appelait à l’époque. Par exemple dans le quartier de Graville-l’Eure au Havre il y a encore en 1859 une épidémie de fièvre paludéenne 8

Le Dr Lépecq décrit les trois phases des symptômes de la maladie parasitaire :

période de froid : frissons qui durent d’un quart d’heure à plusieurs heures,

période de chaud : le malade est en proie à une chaleur excessive, le pouls est développé, la soif vive, les urines rares,

période de la sueur : les symptômes perdent de leur intensité, il s’ensuit une sueur générale et abondante.

Mais quel est le lien entre une pollution stratosphérique d’origine volcanique et le paludisme ? Aucune en apparence. Cependant la forte chaleur et les pluies orageuses abondantes, sont toutes les conditions climatiques idéales pour que les larves de l’anophèle, responsable du paludisme, puissent se nourrir convenablement. Le plancton dont elles se nourrissent prospère. En une phrase : « La lave du volcan a réveillé indirectement la larve du moustique ».

Il convient de souligner que les jeunes enfants (moins de 5 ans) sont les premières victimes du paludisme. Aujourd’hui il en est encore malheureusement ainsi dans les pays où sévit cette terrible maladie. En effet, le Plasmodium falciparum est à cette époque en France très meurtrier. Il attaque notamment les cellules du cerveau et provoque une encéphalopathie aiguë. Le sujet tombe rapidement dans le coma et meurt dans les jours s’il n’est pas énergiquement soigné, ce qui n’était pas le cas à la fin du XVIIIe siècle, car le diagnostic était difficile, les médecins peu nombreux, et le quinquina, seul traitement efficace à l’époque, était horriblement cher pour le peuple. Contrairement à ce qui a pu être écrit récemment, c’est bien la tranche d’âge des enfants de moins de 5 ans qui a le plus souffert au cours de l’année 1783.

 

Les orages désastreux :

Une lettre de Melle Le Masson Legolf est intéressante. Cette artiste peintre havraise a vécu l’épisode du brouillard sec et elle en fait une description à son professeur et ami l’Abbé Dicquemard, spécialiste du littoral. Elle précise que le brouillard sec a séjourné sur la Manche.

Elle écrit : « les quinze premiers jours (du mois de juillet on été constamment chaud et le baromètre conservait une station fort rapprochée du 28 pouces. Nous eûmes un grand orage avec beaucoup de tonnerre, de grêle et de pluie… »

 

Le meurtrier hiver des années 1783/84 :

L’hiver 1783 fut des plus rigoureux, la neige commença à tomber en décembre, elle dura dans certaines provinces plus de deux mois. Les dégâts provoqués par le dégel furent très importants, notamment à Rouen où le pont de bateaux fut, une fois de plus emporté par la débâcle des glaces. On coupa les arbres du Cours la Reine pour se chauffer. Dans toute la France on constate une surmortalité importante par rapport aux années 1782 et 1783, même dans les paroisses de montagne qui ont l’habitude du froid. C’est ainsi que nous avons constaté dans les BMS de Villard de Lans dans le Vercors une surmortalité de 100 % au cours du 1er trimestre 1784 par rapport à la même période de 1783.

A Saint-Brévin-les-Pins, paroisse de l’estuaire de la Loire, nous observons la même surmortalité pour cette période. Dans les départements du Var et des Alpes Maritimes, on retrouve le même hiver meurtrier. Dans les 430 paroisses recensées pour la France et la Belgique, les exemples de cet hiver exceptionnel en mortalité ne se comptent plus. Il est possible de rapprocher cette surmortalité de celle provoquée par le volcan El Chichon en janvier 1985.

 

Histogramme effectué à partir des relevés de température de Louis Cotte :

Louis Cotte était un prêtre, correspondant de l’académie royale des sciences, il est considéré comme un des pionniers de la météorologie. La température a été relevée en degrés Réaumur, pour l’exprimer en degrés Celsius, il faut multiplier par 1.25.

 

 

 

Surmortalité en Seine-Inférieure :

Les recensements que nous avons effectués pour les années 1782 à 1784 dans les BMS de la Seine Maritime dans 250 paroisses, soit 25000 décès, font apparaître une surmortalité importante chez les moins de 5 ans au cours des mois d’août à octobre 1783 les MDP (Mois dysentériques, paludéens) par rapport à ceux des années 1782 à 1783. Concernant les paroisses de moins de 2000 habitants, la mortalité est deux fois plus importante que dans les paroisses de plus 2000 habitants. L’année 1783 fait apparaître une surmortalité globale de 5 pour 1000, Supposons que cette proportion soit la même partout en France et faisons la multiplication pour une population à l’époque chiffrée par l’INED à 26.500.000 de français, soit plus 130.000 morts en surnuméraire au cours des mois de juillet 1783 à avril 1784.

 

Présentation de quelques paroisses significatives :

Lors de la compilation des BMS nous nous apercevons très vite que les paroisses se situant en bordure de la Seine sont plus atteintes que les autres par les effets directs ou indirects de la pollution volcanique. Sur 44 paroisses recensées dans la vallée de la Seine, on constate une surmortalité de 7.30 pour 1000. Selon nous, le fleuve ne serait pas directement impliqué dans cette surmortalité, mais plutôt les nombreuses sources et marécages :

 

Paroisses de la vallée de la Seine :

 

Villequier :9Paroisse de 1000 hab. traversée par deux ruisseaux. La mortalité constatée en 1783 est la plus importante sur 61 années relevées. Au cours des MDP 1783, il est mort 16 enfants de -5ans sur un total de 35 décès. Le froid du mois de janvier 1784 a emporté 6 personnes sur un total de l’année de 20.

 

Moulineaux : Paroisse de 400 hab. traversée par plusieurs ruisseaux et rivières. Elle est dominée par des collines boisées de la forêt du Rouvray 5 à 120m d’altitude.

1782 : 7 décès ; 1783 : 37 décès, dont 23 au cours des MDP ; 1784 15 décès

 

Vatteville la Rue : Paroisse 1260 hab. signalée par le Dr Lépecq comme étant souvent atteint par les fièvres intermittentes, 1783 est l’année la plus meurtrière sur 22 ans.

1782 : 58 décès ; 1783 89 décès dont 41 au cours des MDP ; 1784 : 69 décès

 

Paroisses de bord de mer :

 

Fécamp : 5e paroisse de la généralité de Rouen à l’époque. 7.200 hab. située à l’embouchure de 2 rivières. Pays de marais. Au cours des MDP de 1783 il meurt 44 enfants contre 11 en 1782 et 3 en 1784 pour la même période.

 

Néville : Paroisse de 1450 hab. située à 5 km de Saint Valéry en Caux, 80 m d’altitude. En septembre 1783, il est mort 17 personnes dont 8 de -5ans sur un total de 56 pour l’année.

Paroisses situées à l’est de la Généralité de Rouen :

 

Gournay : Paroisse de 3385 habitants, dans le pays de Bray, entourée de nombreux étangs et traversée par la rivière l’Epte. L’année 1783 est la plus meurtrière sur 22 ans, en particulier le mois de septembre : 18 décès. Au cours des MDP 1783, il meurt 17 enfants contre 1 en 1782 et 9 en 1784.

Nesle-Normandeuse : Petite paroisse de 288 hab. traversée par la rivière la Bresle, à la lisière de la forêt d’Eu, 120 ha de marais, 75 d’altitude. 1782 : 7 décès ; 1783 : 14 décès dont 5 pendant les MDP ; 1784 : 5 décès pour l’année.

 

Environs de Rouen :

Darnétal : 7e paroisse de la Généralité par le nombre de ses habitants (5450). Elle est très intéressante à étudier et riches d’enseignements. Nous l’avons recensée sur 206 ans (directement dans les BMS à la Mairie) de 1694 à 1899, ce qui nous a permis de retrouver toutes les grandes épidémies décrites dans le dernier livre d’Emmanuel Le Roy Ladurie, concomitantes à de grandes éruptions volcaniques. Sur 40 ans, de 1752 à 1791, les MDP sont les plus mortifères après le mois de janvier. Le mois de janvier est très meurtrier. Les MDP de 1783 sont à remarquer pour leur virulence, 117 décès chez les moins de 10 ans sur un total de 170.

Rouen : Capitale de la Normandie, une des plus importantes villes de France au XVIIIe siècle, 36 paroisses à recenser. Le nombre des rouennais à cette époque peut être raisonnablement estimer à 75000 habitants. Son substratum est très marécageux. Au cours du Quaternaire, La seine a occupé l’emplacement de la ville, sauf une terrasse sur laquelle s’est construite peu à peu.

Dans la deuxième partie du XVIIIe siècle, le Dr Lépecq de la Cloture a décrit longuement les différentes maladies et épidémies sévissant à Rouen. Si nous examinons les trois années recensées, nous constatons un nombre de décès en 1782 au cours des MDPde 362 ; pendant la même période en 1783 : 489 et en 1784 : 453.

La surmortalité a lieu en 1784, principalement chez les enfants de – 5 ans au cours des MDP. On retrouve ce même phénomène à Bernay dans l’Eure. L’été 1784 ayant été très chaud (sauf une partie d’août) et humide, les cas de dysenterie furent nombreux, comme le souligne le Dr Lépecq.

A Rouen le mois d’août 1783 peut rivaliser avec la canicule du mois d’août 2003. En effet nous avons eu en août 1783 un excédent de décès de 39 % par rapport à août 1782. En août 2003, + 18.70% par rapport à août 2002, (chiffres publiées par la mairie) Bien sûr cette surmortalité n’a pas frappé la même population, en 1783 il s’est agi principalement des jeunes enfants, en 2003 les personnes âgées.

Les chiffres ainsi relevés sont en concordance avec les déclarations du Dr Lépecq qui écrit, qu’il est médecin rouennais depuis 20 ans et n’a jamais eu autant de malades qu’après l’apparition du brouillard sec. Il fait de cet été 1783 une « constitution » c’est-à-dire que, conformément à l’esprit de la médecine néo-hippocratique, il déclare que les phénomènes climatiques de l’été 1783 ont apporté une grande perturbation dans la santé des normands. Pour le Dr Lépecq cette période, qui occupe une part importante de son ouvrage, est un événement majeur. Comme dans beaucoup de paroisses françaises, hiver 1783/84 a été mortifère à Rouen, janvier 1782 : 110 décès, janvier 1783 : 130 décès, janvier 1784 : 175 décès.

 

 

Remarques :

Nous observons bien souvent que le total des décès durant les MDP de 1782 a été inférieur ou égal au nombre de décès durant le seul mois d’août 1783. Cette observation a été faite 38 fois sur un recensement de 215 communes.

Exemple : Criquetot l’Esneval - 1660 hab ; MDP 1782 : 6 décès ; août 1783 : 6 décès

Petiville – 400 hab. MDP 1782 : 5 décès ; août 1783 : 6 décès

Tôtes – 500 hab. – MDP 1782 : 3 décès ; août 1783 : 7 décès

Berneval-le-Grand - 670 hab. MDP 1782 : 2 décès ; août 1783 : 13 décès

 

graph 145 cne

Cet histogramme a été réalisé à partir du recensement de 125 paroisses rurales et de 20 urbaines à l’exception de Rouen, le Havre Dieppe. Il démontre que les enfants de – 5ans sont les premières victimes. Ce phénomène se rencontre partout en France.

 

Recherches hors de Seine Maritime :

Nos investigations ne se sont pas limitées à la Seine-Maritime. Nous avons effectué des recherches aux Archives départementales et diverses communes d’Indre et Loire. Aux Archives Départementales du Loiret. Quelques communes de Loire Atlantique. Dans le Var Mairies de St Raphael, Fayence, Tourrettes. Dans les Vosges, St Dié. Dans l’Isère, Villard de Lans. Dans le Calvados, Cabours et Dives s/Mer.

En Indre et Loire :

Aux Archives Départementales nous avons eu la chance de découvrir un mémoire du Dr Moreau de Tours datant de 1987. Il a étudié une épidémie de pneumonie à pneumocoque, appelée par les médecins de l’époque « fausse péripneumonie », qui décima la population de 23 paroisses du sud de la Touraine d’octobre 1782 à février 1783. Ce mémoire est intéressant à 2 titres :

-Il relate une épidémie de pneumonie qui a perduré en France au cours des années 1782 à 1786 (A Rouen cette épidémie a eut lieu fin 1785 début 1786. Elle fit notamment des morts dans le régiment du Maréchal de Turenne qui revenait de la région de Rochefort où il avait effectué des travaux dans les marais. Les malades furent soignés par le Dr Lépecq de la Cloture qui se dévoua une fois de plus mais se heurta à l’incompréhension de l’Intendant, Mr de Villedeuil. Celui-ci prit en effet fort mal le fait que le Dr Lépecq ait tenu à visiter la caserne de Martainville10 pour y chercher la cause de cette épidémie).

D’après les relevés effectués par le Dr Moreau il a eu 163 décès à Manthelan pendant ces quatre mois. On peut estimer, d’après les moyennes habituelles à 18 le nombre des morts qui auraient pu survenir dans cette période. C’est donc 12 % de la population qui a disparu en quatre mois, une personne sur huit et surtout des adultes.

Normalement après une telle mortalité, il y aurait dû y avoir une baisse spectaculaire de décès au cours des mois des MDP 1783. Hors ce ne fut pas le cas. L’hécatombe n’est pas suivie d’une sous mortalité compensatrice. Au contraire nous restons dans la moyenne enregistrée pour ces trois années. Le Dr Moreau parle de l’ampleur d’un fléau qui, ajouté aux épidémies des années précédentes et à la rigueur de l’hiver 1783/84 (il ne fait par référence à la surmortalité due au Laki) a contribué à la dépopulation des campagnes et à la misère des habitants. Il se demande si on doit considérer cela comme un élément complémentaire au mécontentement des citoyens dans les années qui ont précédé la Révolution de 1789.

 

Dans le Loiret :

En poursuivant nos investigations dans le Loiret nous avons trouvé aux archives départementales d’Orléans une paroisse, Coullons, située en Sologne avec un taux de mortalité très important. En effet les MDP donnent les chiffres suivants : 1782 : 21 décès ; 1783 : 76 décès et 1784 : 18 décès. Le paludisme et le mal des Ardents (ergotisme) ont dû passer par là. Le décès des moins de -5ans s’élève à 9 % ce qui correspond tout à fait aux 10 % de la population solognote, que les chroniqueurs disent frappée par les fièvres intermittentes (paludisme).

 

Intéressantes observations du curé de Brulon :

Le curé Beucher de Brulon dans la Sarthe a tenu annuellement ses « remarques » sur les BMB, pendant 17 ans. Laissons-lui la parole pour nous commenter ses notes de l’année 1783.

« Cette année offre plusieurs événements dignes d’attention :

  1. L’été et l’automne 1783 ont été très beaux et très chauds. Il y a eu une récolte assez abondante en très bons bleds, grande et bonne vendange, des pommes en si grande quantité que les arbres ploient.

  2. Le 5 février commence le bouleversement de la Sicile. La Calabre est presque toute changée de place. Messine est ensevelie sous ses ruines. Le tremblement de terre a duré à plusieurs reprises pendant plus de huit jours et a été suivi non seulement de l’écroulement des édifices, mais encore de l’affaissement des montagnes…..

  3. Pendant les mois de juin et juillet, dans presque toute l’Europe, l’atmosphère était remplie d’une espèce de brouillard ou plutôt de vapeurs qui désolaient le soleil, et quand on l’apercevait, on le regardait aussi fixement que la lune sans être ébloui. Tout le peuple en était épouvanté et disait que nous allions avoir le jugement. Les physiciens ont attribué ces vapeurs aux explosions de la Sicile.

  4. Dans le mois d’août et le reste de l’automne les trois quarts du monde ont été malades et on trouvait jusqu’à quatre, cinq et même six malades par maison ; et cela universellement heureusement il ne mourrait personne. On attribuait la cause de ces maladies à la mauvais qualité des grains de la dernière récolte, ou au défaut de froid de l’hiver précédent qui à la vérité ne fut que pluvieux, ou aux vapeurs exhalées de la Sicile (provoquées par le tremblement de terre de février 1783), ou enfin aux chaleurs qui pendant plusieurs jours ont été excessives. Peut être que le tout y a contribué … »

Il parle des récoltes, de ses paroissiens et de leurs difficultés à vivre, de la montée du mécontentement du peuple. En 1788, il dit qu’il va y avoir une révolution….

 

Recherches sur Internet :

Aujourd’hui grâce à internet et à la mise en ligne par de nombreux généalogistes de leurs relevés de décès pour les années 1782 1784, de même qu’à l’accès aux BMS de 5 archives départementales nous avons pu effectuer un recensement de 430 paroisses de France et de Belgique. Nous avons donc une idée assez précise sur les événements climatiques ayant apporté leurs lots de mauvaises récoltes, de disettes, « d’émotions populaires » et malheureusement de surmortalité constatée au cours des mois d’août à octobre 1783, ainsi que pendant les mois de décembre 1783, janvier et février 1784, après que la brume d’origine volcanique ait séjourné en France pendant les mois de juin à septembre 1783.(cf histogramme recensant 76000 décès, relevés dans 430 paroisses).

graph 430 par

 

 

Relevés finistériens :

Grâce à la gentillesse de nos amis généalogistes du Finistère nous avons pu réaliser une étude sur six années (1781 à 1786) des décès pour 34 communes de cette province. Après une terrible épidémie de dysenterie qui au cours des mois d’été toucha tout l’ouest de la France et même le nord. Les MDP de l’année 1781 furent supérieurs de 5 % à ceux de l’année 1783. Par contre, concernant les mois de janvier et février 1784 la mortalité fut la plus forte des six années. Là aussi l’hiver 1784 frappa durement. Les chiffres ci-dessous mettent bien en évidence une surmortalité infantile pour les MDP 1782 à 1784. Ce qui confirme les chiffres de la Seine-Maritime.

 

Tranche d’âge

MDP 1782

MDP 1783

MDP 1784

-1an

622

1214

775

1an

22

49

46

2/5ans

136

356

273

6/10 ans

75

197

117

11/20 ans

101

224

94

21/30ans

161

221

117

31/40 ans

164

176

128

41/50 ans

149

156

93

51/60 ans

225

198

124

61/70 ans

182

194

130

71/80 ans

153

145

97

+ 81 ans

39

32

27

 

 

 

 

Total

2029

3162

2021

 

 

Conclusion  :

En 1850, le Dr Vingtrinier, médecins des épidémies de Rouen, constate que pour le département de la Seine-Maritime, le choléra avait provoqué en 1832 un excédent de 2804 morts, et en 1819 une surmortalité de 1719 décès. En 1783 et 1784 on constate une surmortalité de 1221 personnes pour 145 communes. Nous pouvons affirmer sans trop nous tromper que, pour la Seine-Maritime, les pollutions du Laki et de l’Asama réunies ont été aussi meurtrières que l’épidémie de choléra de 1832 Comme le curé de Manthelan, près de Tours, beaucoup de curés de notre généralité, auraient pu écrire en fin de leurs registres paroissiaux en 1783 « quel désastre pour ma paroisse ».

Dans le futur l’éruption du Laki se reproduira, souvenons nous que le panache mantellique est toujours présent. Que deviendront alors les 250000 islandais. Une pollution volcanique comme en 1783 sur l’hémisphère Nord est tout le trafic aérien et maritime s’arrête, et les habitants de l’hémisphère nord en « prendront plein les poumons ».

 

1

 

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