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Climat et Volcans
28 novembre 2013

ERUPTION DU LAKI EN 1783

ERUPTION DU LAKI EN JUIN 1783

 

 

L’éruption fissurale du Lakkagigar ou Laki s’est produite en Islande à partir du 7 juin 1783.Cette fissure est située dans la partie méridionale du fossé de la ride médio-atlantique. Elle est la conséquence de la dérive des continents dont le père est Alfred Wegener en 19111. L’Islande est née il y a 20 millions d’années, lors de la création de l’océan Atlantique Nord. Cette île a surgi du fond de l’océan à cause de la montée d’un panache mantellique provenant du tréfonds du manteau et peut-être même de la frontière du noyau. Cet énorme « champignon de chaleur » produit donc d’énormes quantités de magma qui s’écoulent périodiquement à la surface de l’Islande.

 

Le 8 juin 1783, après un mois de tremblements de terre, le réveil de cette zone sensible se manifeste par l’ouverture d’une fissure longue d’une vingtaine de kilomètres. D’énormes fontaines de lave eurent pour spectateur le révérend père Jon Steingrimson qui, durant huit mois, relata jour après jour l’éruption. Le texte en islandais a été traduit en anglais, il est donc possible de découvrir toutes les conséquences de cette éruption, notamment sur la santé des islandais de l’époque.

 

Plus de 100 petits cratères apparurent sur cette fissure, certaines coulées de lave atteignirent 60 km et couvrirent 565 km2. Le total de ces coulées représente 12 km3 avec un débit de l’ordre de 2200 m3/s (un véritable fleuve de feu) qui fait de cette éruption le plus important épanchement basaltique des derniers siècles. D’énormes quantités de gaz furent émises, notamment de soufre, de chlore et aussi du fluor qui contaminèrent les eaux de surface et les pâturages islandais3.

 

Cette extraordinaire colonne gaz rejoignit les premières couches de la stratosphère et les courants ascendants, elle se répandit sur tout l’hémisphère nord, notamment en Europe4.Appelée par les savants de l’époque «  le brouillard sec » par ce qu’il n’influençait pas les hygromètres, cette brume volcanique collait à la peau, sentait le soufre, desséchait les végétaux, anesthésiait les mouches, etc… Elle créa une véritable pollution naturelle qui eut des répercussions sur la santé des humains et répandit la terreur dans la population. L’astronome De La Lande, dès le mois de juillet 1783, fit un article dans un journal parisien, repris dans le journal de Normandie pour apaiser les esprits bien troublés.

 

BROUILLARD SEC - CHRONIQUE DE DE LA LANDE DANS LE JOURNAL DE NORMANDIE

 

Le tremblement de terre et le désastre de la Sicile ont effrayé bien du monde ; celui de Hongrie a augmenté la crainte. Depuis quinze jours on a remarqué que le soleil était masqué d’un brouillard et paraissait de couleur de feu. Il n’en fallu davantage pour répandre la terreur dans certains esprits qui ne connaissent rien à la physique et qui s’imagine que le monde allait entrer dans le néant. Il était juste qu’un homme instruit vint calmer ces craintes. M. de la Lande l’a fait dans le Journal de Paris du 2 de ce mois par la lettre suivante :

 

« Vous savez, Messieurs, que depuis quelques jours on se demande sans cesse à quoi tient le Brouillard Sec et épais dont le ciel est presque toujours couvert : on le demande surtout aux astronomes et je crois que vous devez un mot de réponse à ces sortes de questions, surtout quand la terreur commence à s’en mêler. Le bruit se répand que le désastre de la Calabre a commencé de même, qu’il paraît une comète dangereuse, je n’ai que trop éprouvé en 1773 que ces sortes de bruits (qui commencent dans la partie du peuple nécessairement ignorante dans les pays et dans les cercles mêmes les plus éclairés) parlent enfin jusque dans la bonne compagnie, quelque fois dans les Gazettes, et comment ce soleil qui paraît couleur de sang en répandant une lumière triste et une chaleur étouffante, ne ferait-il pas raisonner le peuple ? Cependant tout ce que nous voyons est un effet très naturel d’une chaleur un peu forte, succédant à de trop longues pluies, sans qu’il y ait eu pour ainsi dire de gradation. La première impression de cette chaleur a dû sublimer tout à la fois une très grande abondance de parties aqueuses, dont la terre était profondément pénétrée et leur donner, dès le premier temps de leur élévation une qualité sèche et un degré de raréfaction plus grand que celui des brouillards ordinaires.

 

Cet effet qui me semble très naturel ne me paraît pas très nouveau : du moins la période de 19 ans (qui ramène la lune à la même position dans les mêmes jours de l’année et qui semble avoir aussi quelques rapports avec les saisons) nous présente un exemple qu’on peut citer. Voici ce qu’on dit dans les Mémoires de l’Académie parmi les observations météorologiques de 1764 sur le mois de juillet : « Le commencement de ce mois a été humide et la fin fort sèche, depuis le deux jusqu’au neuf le vent a toujours été au nord. Les matins il faisait du brouillard et pendant le jour le ciel était comme en fumée ». Voilà qui ressemble assez à notre fin de juin pour qu’on puisse dire que ce n’est une chose inouïe, il n’y eut en 1764 que des orages et de la grêle, ainsi nous n’avons rien de plus à redouter pour 1783. J’ai honneur d’être ». DE LA LANDE de L’Académie des Sciences (Extrait du journal de Normandie du 11 juillet 1783)

 

Ce brouillard sec, qui séjourna sur la France pendant plus de trois mois, eut un impact sur le climat. L’été 1783 fut chaud avec continuellement de violents orages qui mirent le feu à beaucoup de granges et maisons. C’est ainsi qu’à Saint Dié dans les Vosges, le docteur Poma,1 écrit que durant cette période la foudre est tombée 5 fois dans sa propriété.

 

L’ERUPTION DU LAKI DECRITE DANS LE JOURNAL DE NORMANDIE DU 14 NOVEMBRE 1783

 

Le premier jour de la Pentecôte de cette année, il s’est formé dans le Mont Skafran, situé dans le district de Skafiefield, un volcan qui s’est tellement développé, que tout le lac a été desséché, et ne forme plus qu’un terrain pierreux….et huit maisons de paysans ont été brûlées à la fois et ne font plus qu’une masse de pierres calcinées ; suivant les rapports qu’on en reçoit, la flamme roulait comme une mer agitée, et embrasait tout ce qu’elle rencontrait, demanière que terre, pierre tout était enflammé ; on aurait dit un feu violent qui tantôt se répand avec impétuosité, tantôt ne fait sa marche qu’avec lenteur. D’après ces derniers avis, ce terrain de feu s’étend de plus en plus, de sorte qu’on peut dire avec certitude qu’il a déjà envahi un espace de terrain de plus de sept milles de large sur quatorze de long. Ce n’est pas à cela seul que ce réduit le mal ; on peut présumer, avec beaucoup de vraisemblance, qu’il est beaucoup plus considérable ; les vapeurs de soufre, de salpêtre, de cendre & de sable exhalées de la terre, ont telle obscurci l’atmosphère, que tout le pays est abîmé dans les horreurs d’épaisses ténèbres.

 

Depuis le huit jour après la Pentecôte, il a été impossible de voir & de distinguer le soleil, fi ce n’est ;à son lever et à son coucher ; et alors il paraissait comme une masse épaisse. Cette terrible nuit empêche d’avoir des détails plus circonstanciés, et l’on ne fait pas encore positivement combien de nouveaux volcans se seront formés, et sur quelle étendue de terrain ce phénomène terrible de la nature se sera développé.

Ce qui mérite d’être remarqué, c’est que l’on distingue des éminences et de hautes montagnes mêmes dans les lieux où il n’y avait ci-devant que des plaines. L’isle nouvelle, sortie du sein des flots, près des côtes de Kugleskiares, s’étend de plus en plus et brûle continuellement ; les pierres calcinées qui en sortent sont lancées jusque sur le rivage opposé. On ne peut pénétrer ce qui résultera de ces phénomènes nouveaux ; mais on pense, avec effroi, aux suites funèbres qu’ils paraissent annoncer.

 

Morbidité et mortalité :

Selon J. Grattan, géographe anglais de l’Université du Pays de Galles1 il s’est produit en Angleterre et en France une mortalité anormale. Il pense qu’une cause commune en serait responsable : les gaz émis par la fissure du Laki. Cette éruption a eu un impact important sur l’environnement européen et elle a provoqué des maladies que nous pourrions retrouver lors de n’importe quel accident moderne de pollution atmosphérique. Outre des maladies respiratoires, les études actuelles des accidents de pollution atmosphérique mettent en évidence des maladies cardio-vasculaires.

 

Le Dr Jean-Pierre Besancenot de Dijon, spécialiste de la médecine climatique, qui a décrit en 2002 les dégâts provoqués par une canicule type 2003, émet lui aussi l’hypothèse que la hausse analogue de mortalité qui s’est produit simultanément en France, en Angleterre, en Hollande, (et nous ajoutons aussi en Belgique) pourrait avoir une même cause externe, à savoir les gaz volcaniques émis par la fissure du Laki2.

 

Pour Vincent Courtillot, directeur de L’Institut de Physique du Globe de Paris, spécialiste de l’étude des grandes extinctions en masse d’espèces biologiques, l’éruption du Laki libéra dans l’atmosphère des produits acides à des concentrations supérieures au niveau critique pour la santé humaine, et ce, à l’échelle du continent européen. Au sol, il a calculé une concentration des produits soufrés de 1000 parties par million en Islande et de 50 parties par million en Europe occidentale. Les volcanologues considèrent qu’on ne peut rester plus de 15 minutes à proximité d’un volcan actif quand la concentration est supérieure à 300 parties par million. Les variations de température amplifièrent les effets mortels de cette pollution, cause de difficultés respiratoires, de maladies cardio-vasculaires et d’autres formes de stress sévères.

 

 

Les troubles de subsistances dans la Généralité de Rouen après l’éruption du Laki :

Les chroniqueurs nous apprennent que 30 % des islandais sont morts suite aux différentes épidémies et à la famine après l’éruption du Laki. En France, dès 1784, des troubles dus à la disette sont signalés un peu partout et notamment dans la province normande. Par exemple le curé de Fauville fait connaître à l’Intendant, 3 dans sa lettre du 23 mai 1784, que les causes de la révolte sont la cherté du grain et la crise de la manufacture.

Toujours en 1784, selon le marquis de Cany qui vit au cœur du pays de Caux : « Les fermiers sont accusés d’avoir chez eux de grandes provisions » mais en fait, dit, il n’y a presque plus de blé, les rats des champs par l’hiver rude ont dévoré les réserves des granges.

On parle aussi d’exportation clandestine. En 1784, Godart de Belbeuf, procureur général du Parlement, reçoit de Longueville, en Normandie, la lettre suivante : « Le monde pleure et gémit de se voir mourir de faim avec leurs enfants, sachant qu’il y encore du blé. Les laboureurs vendent presque tout chez eux, nous en voyons passer vingt sacs dans notre bourg, d’apparence c’est pour exporter…. »

En 1784, le bruit circule que, du pays de Caux, les seigneurs amassent leurs blés dans leurs châteaux et les font embarquer la nuit (lettre de M. Massy à Godart de Belbeuf)4 Au cours de l’hier 1784, les bois de l’archevêque de Rouen, situés à Déville et à Canteleu furent pillés, faute de chauffage.

Lettre du 16 mai 1784 du curé du Landin près de Bourg-Achard à Godart de Belbeuf :

Monsieur,

« Permettez que par forme de requête je porte aux pieds de votre humanité les plaintes amères de mes pauvres paroissiens dont le sort accablant est aussi sans doute celui de tant d’autres. Dans le temps où la bonté de notre auguste Monarque leur fait espérer le soulagement de la misère où les a plongés le cruel hiver d’où nous sortons, un autre fléau plus affreux encore les menace d’une destruction entière. La famine, mais une famine malicieusement produite par la plus indigne cupidité. Les marchés ne sont plus suffisamment pourvus de grains, le laboureur s’obstine à les garder chez lui et le peu qu’il emporte à vendre, il en exige un prix exorbitant… »

Ces différents témoignages révèlent un début de crise frumentaire, mais aussi une spéculation que le peuple supportera très mal au fil des ans, pour aboutir finalement à 1789.

 

Le Docteur Lépecq de la Cloture, médecin des Epidémies :

Le docteur Louis Lépecq de la Cloture, médecin « hippocrate normand », qui exerçait à Rouen depuis une vingtaine d’années avait été désigné par Vicq d’Azyr5comme médecin des épidémies de la Normandie. (Vicq d’Azyr dirigeait l’enquête nationale sur les diverses maladies que rencontraient localement les médecins ainsi que les traitements prescrits).

Lépecq tout en pratiquant son art auprès de ses malades, écrivait de nombreux mémoires. Il fit publier de 1778 à 1793 un ouvrage en six volumes, où il fait part des observations sur les maladies de l’époque et de la façon de les soigner. Il était à la fois météorologiste, géographe, démographe, géologue, sociologue et bien sûr médecin. Grâce à ses connaissances, à ses capacités d’observateur averti, nous découvrons la fragilité de la santé des Normands à la fin du XVIIIe siècle6.

 

Description du brouillard sec par le Dr Lépecq :

« En juin 1783 nous avions eu au commencement du mois deux à trois jours de brouillard légers et humides… Tout à coup se sont élevés ces brouillards secs et épais presque universels en Europe. Ils n’ont paru pour nous que le 21 au soir7 et ont continué jusqu’à la fin du mois… avec du vent du nord et du nord-ouest qui n’empêchait point que toutes les nuits fusent chaudes et les jours orageux. Le 25 le brouillard était très fétide. Nous eûmes un orage terrible dans la nuit et le lendemain matin ».

« En juillet, ces brouillards donnaient de l’inquiétude pour la fleuraison du bled, car ils avaient déjà fait couler la fleur de nos vignes normandes en faisant éclore une quantité d’insectes qui dévoraient les grappes. Il y eut aussi beaucoup de chenilles dans les pommiers. Dans nos plaines les trèfles et les fourrages tendres ont été brûlés. Les mêmes brouillards ont continué jusqu’aux jours caniculaires. Ils étaient encore très épais puisqu’ils obscurcissaient le soleil et la lune … »

 

Les maladies constatées par le Dr Lépecq :

« A peine touchions nous aux jours caniculaires, moment où nous ont quitté les brouillards qui n’avaient pas affaibli la chaleur de l’atmosphère brûlante, moment où les mots de gorge ont disparu quoiqu’il eussent été multipliés dans le cours de juillet et cependant fort peu dangereux. Tout à coup nos habitants (Rouen) et ceux de la campagne ont été frappés des atteintes du choléra, de secousses, de vomissements, de coliques vives, de diarrhées fatigantes.

Je crois devoir rejeter encore la cause qui me paraît avoir concouru à produire les énormes irritations de l’estomac et des entrailles, c’est la mauvaise qualité de pain que nous mangeons, pain toujours « maté », mal fermenté, mal cuit. Qualité qui sans doute est le résultat des bleds mouillés lors de la récolte de 1782. Est-ce cette dernière cause combinée avec les grandes chaleurs prolongées en août que nous avons eu la continuité des secousses nombreuses et violentes du choléra … »

« Les intermittentes ont présenté chez les jeunes sujets et les enfants des symptômes extraordinaires, des convulsions, des hémiplégies instantanées, des affections comateuses au moment du paroxysme et souvent pendant sa durée »

Ainsi se terminait notre été le plus injecté des vapeurs atmosphériques et le plus fécond en maladie que j’ai vu depuis vingt ans que j’écris les maladies régnantes. Je suis en état d’attester que la contrée de Caux et du Roumois étaient dans une situation désolante par la quantité de maladies qui y régnaient. Les cantons de plaines dans ces deux contrées se trouvaient infestés des fièvres d’accès irrégulières et souvent malignes. Les paroisses les plus rapprochées des bois, des rivières étaient atteintes de coliques bilieuses et dysentériques qui s’établissaient d’une manière inquiétante.

Les vallées de la Seine étaient désolées par les fièvres continues, rémittentes, bilieuses, qui prenaient souvent le type maligne. C’est ainsi que l’importante paroisse de Watteville dont nous avons tant dénoncé les malheurs et qui n’avaient pas de malades à la fin juillet a vu renaître son épidémie ordinaire aussitôt qu’on eût porté la faux dans les herbes saigneuses des terres d’alluvions (de la Seine).

 

Le scorbut :

Le Dr Lépecq constate une recrudescence d’un scorbut aigu : des rouennais qui, apparemment n’étaient pas atteints de carence alimentaire, perdaient leurs dents, avaient des aphtes, des plaies aux jambes et de grandes douleurs. En 1783, il écrit un mémoire sur deux formes de scorbut : le scorbut des gens de mer et le scorbut aigu. Un de ses confrères adresse lui aussi, toujours en 1783, un mémoire sur le scorbut à la Société royale de Médecine, dont nous avons pu consulter les archives. Pendant la même période, le révérend père Steingrimsson, dans son journal de l’éruption du Laki, parle d’un empoisonnement provoqué par les retombées de cendre. Il cite le scorbut et parle des mêmes douleurs rencontrées, de ces gangrènes, nécroses, etc. Des recherches archéologiques récentes prouvent que les islandais ont été atteints de fluorose, des nodules sur les ossements exhumés sont parlants. On peut se demander si dans la composition du brouillard sec il n’y avait pas, en plus du soufre, également du fluor ce qui expliquerait que les médecins de l’époque évoquent le scorbut aigu !

 

Les fièvres intermittentes, ou le paludisme :

Le Dr Lépecq décrit le changement climatique, il constate notamment un surcroît de chaleur étouffante et des pluies apportées par des orages très violents. Il remarque que les fièvres intermittentes sont de retour et provoquent des comas mortels chez les très jeunes enfants. Nous savons aujourd’hui que les fièvres intermittentes peuvent être assimilées au paludisme qui était endémique dans les zones tempérées et notamment en France au cours des XVII, XVIII et jusqu’à la fin du XIXe siècle. La Normandie avait sa part importante de « fiévreux » comme on les appelait à l’époque. Par exemple dans le quartier de Graville-l’Eure au Havre il y a encore en 1859 une épidémie de fièvre paludéenne 8

Le Dr Lépecq décrit les trois phases des symptômes de la maladie parasitaire :

période de froid : frissons qui durent d’un quart d’heure à plusieurs heures,

période de chaud : le malade est en proie à une chaleur excessive, le pouls est développé, la soif vive, les urines rares,

période de la sueur : les symptômes perdent de leur intensité, il s’ensuit une sueur générale et abondante.

Mais quel est le lien entre une pollution stratosphérique d’origine volcanique et le paludisme ? Aucune en apparence. Cependant la forte chaleur et les pluies orageuses abondantes, sont toutes les conditions climatiques idéales pour que les larves de l’anophèle, responsable du paludisme, puissent se nourrir convenablement. Le plancton dont elles se nourrissent prospère. En une phrase : « La lave du volcan a réveillé indirectement la larve du moustique ».

Il convient de souligner que les jeunes enfants (moins de 5 ans) sont les premières victimes du paludisme. Aujourd’hui il en est encore malheureusement ainsi dans les pays où sévit cette terrible maladie. En effet, le Plasmodium falciparum est à cette époque en France très meurtrier. Il attaque notamment les cellules du cerveau et provoque une encéphalopathie aiguë. Le sujet tombe rapidement dans le coma et meurt dans les jours s’il n’est pas énergiquement soigné, ce qui n’était pas le cas à la fin du XVIIIe siècle, car le diagnostic était difficile, les médecins peu nombreux, et le quinquina, seul traitement efficace à l’époque, était horriblement cher pour le peuple. Contrairement à ce qui a pu être écrit récemment, c’est bien la tranche d’âge des enfants de moins de 5 ans qui a le plus souffert au cours de l’année 1783.

 

Les orages désastreux :

Une lettre de Melle Le Masson Legolf est intéressante. Cette artiste peintre havraise a vécu l’épisode du brouillard sec et elle en fait une description à son professeur et ami l’Abbé Dicquemard, spécialiste du littoral. Elle précise que le brouillard sec a séjourné sur la Manche.

Elle écrit : « les quinze premiers jours (du mois de juillet on été constamment chaud et le baromètre conservait une station fort rapprochée du 28 pouces. Nous eûmes un grand orage avec beaucoup de tonnerre, de grêle et de pluie… »

 

Le meurtrier hiver des années 1783/84 :

L’hiver 1783 fut des plus rigoureux, la neige commença à tomber en décembre, elle dura dans certaines provinces plus de deux mois. Les dégâts provoqués par le dégel furent très importants, notamment à Rouen où le pont de bateaux fut, une fois de plus emporté par la débâcle des glaces. On coupa les arbres du Cours la Reine pour se chauffer. Dans toute la France on constate une surmortalité importante par rapport aux années 1782 et 1783, même dans les paroisses de montagne qui ont l’habitude du froid. C’est ainsi que nous avons constaté dans les BMS de Villard de Lans dans le Vercors une surmortalité de 100 % au cours du 1er trimestre 1784 par rapport à la même période de 1783.

A Saint-Brévin-les-Pins, paroisse de l’estuaire de la Loire, nous observons la même surmortalité pour cette période. Dans les départements du Var et des Alpes Maritimes, on retrouve le même hiver meurtrier. Dans les 430 paroisses recensées pour la France et la Belgique, les exemples de cet hiver exceptionnel en mortalité ne se comptent plus. Il est possible de rapprocher cette surmortalité de celle provoquée par le volcan El Chichon en janvier 1985.

 

Histogramme effectué à partir des relevés de température de Louis Cotte :

Louis Cotte était un prêtre, correspondant de l’académie royale des sciences, il est considéré comme un des pionniers de la météorologie. La température a été relevée en degrés Réaumur, pour l’exprimer en degrés Celsius, il faut multiplier par 1.25.

 

 

 

Surmortalité en Seine-Inférieure :

Les recensements que nous avons effectués pour les années 1782 à 1784 dans les BMS de la Seine Maritime dans 250 paroisses, soit 25000 décès, font apparaître une surmortalité importante chez les moins de 5 ans au cours des mois d’août à octobre 1783 les MDP (Mois dysentériques, paludéens) par rapport à ceux des années 1782 à 1783. Concernant les paroisses de moins de 2000 habitants, la mortalité est deux fois plus importante que dans les paroisses de plus 2000 habitants. L’année 1783 fait apparaître une surmortalité globale de 5 pour 1000, Supposons que cette proportion soit la même partout en France et faisons la multiplication pour une population à l’époque chiffrée par l’INED à 26.500.000 de français, soit plus 130.000 morts en surnuméraire au cours des mois de juillet 1783 à avril 1784.

 

Présentation de quelques paroisses significatives :

Lors de la compilation des BMS nous nous apercevons très vite que les paroisses se situant en bordure de la Seine sont plus atteintes que les autres par les effets directs ou indirects de la pollution volcanique. Sur 44 paroisses recensées dans la vallée de la Seine, on constate une surmortalité de 7.30 pour 1000. Selon nous, le fleuve ne serait pas directement impliqué dans cette surmortalité, mais plutôt les nombreuses sources et marécages :

 

Paroisses de la vallée de la Seine :

 

Villequier :9Paroisse de 1000 hab. traversée par deux ruisseaux. La mortalité constatée en 1783 est la plus importante sur 61 années relevées. Au cours des MDP 1783, il est mort 16 enfants de -5ans sur un total de 35 décès. Le froid du mois de janvier 1784 a emporté 6 personnes sur un total de l’année de 20.

 

Moulineaux : Paroisse de 400 hab. traversée par plusieurs ruisseaux et rivières. Elle est dominée par des collines boisées de la forêt du Rouvray 5 à 120m d’altitude.

1782 : 7 décès ; 1783 : 37 décès, dont 23 au cours des MDP ; 1784 15 décès

 

Vatteville la Rue : Paroisse 1260 hab. signalée par le Dr Lépecq comme étant souvent atteint par les fièvres intermittentes, 1783 est l’année la plus meurtrière sur 22 ans.

1782 : 58 décès ; 1783 89 décès dont 41 au cours des MDP ; 1784 : 69 décès

 

Paroisses de bord de mer :

 

Fécamp : 5e paroisse de la généralité de Rouen à l’époque. 7.200 hab. située à l’embouchure de 2 rivières. Pays de marais. Au cours des MDP de 1783 il meurt 44 enfants contre 11 en 1782 et 3 en 1784 pour la même période.

 

Néville : Paroisse de 1450 hab. située à 5 km de Saint Valéry en Caux, 80 m d’altitude. En septembre 1783, il est mort 17 personnes dont 8 de -5ans sur un total de 56 pour l’année.

Paroisses situées à l’est de la Généralité de Rouen :

 

Gournay : Paroisse de 3385 habitants, dans le pays de Bray, entourée de nombreux étangs et traversée par la rivière l’Epte. L’année 1783 est la plus meurtrière sur 22 ans, en particulier le mois de septembre : 18 décès. Au cours des MDP 1783, il meurt 17 enfants contre 1 en 1782 et 9 en 1784.

Nesle-Normandeuse : Petite paroisse de 288 hab. traversée par la rivière la Bresle, à la lisière de la forêt d’Eu, 120 ha de marais, 75 d’altitude. 1782 : 7 décès ; 1783 : 14 décès dont 5 pendant les MDP ; 1784 : 5 décès pour l’année.

 

Environs de Rouen :

Darnétal : 7e paroisse de la Généralité par le nombre de ses habitants (5450). Elle est très intéressante à étudier et riches d’enseignements. Nous l’avons recensée sur 206 ans (directement dans les BMS à la Mairie) de 1694 à 1899, ce qui nous a permis de retrouver toutes les grandes épidémies décrites dans le dernier livre d’Emmanuel Le Roy Ladurie, concomitantes à de grandes éruptions volcaniques. Sur 40 ans, de 1752 à 1791, les MDP sont les plus mortifères après le mois de janvier. Le mois de janvier est très meurtrier. Les MDP de 1783 sont à remarquer pour leur virulence, 117 décès chez les moins de 10 ans sur un total de 170.

Rouen : Capitale de la Normandie, une des plus importantes villes de France au XVIIIe siècle, 36 paroisses à recenser. Le nombre des rouennais à cette époque peut être raisonnablement estimer à 75000 habitants. Son substratum est très marécageux. Au cours du Quaternaire, La seine a occupé l’emplacement de la ville, sauf une terrasse sur laquelle s’est construite peu à peu.

Dans la deuxième partie du XVIIIe siècle, le Dr Lépecq de la Cloture a décrit longuement les différentes maladies et épidémies sévissant à Rouen. Si nous examinons les trois années recensées, nous constatons un nombre de décès en 1782 au cours des MDPde 362 ; pendant la même période en 1783 : 489 et en 1784 : 453.

La surmortalité a lieu en 1784, principalement chez les enfants de – 5 ans au cours des MDP. On retrouve ce même phénomène à Bernay dans l’Eure. L’été 1784 ayant été très chaud (sauf une partie d’août) et humide, les cas de dysenterie furent nombreux, comme le souligne le Dr Lépecq.

A Rouen le mois d’août 1783 peut rivaliser avec la canicule du mois d’août 2003. En effet nous avons eu en août 1783 un excédent de décès de 39 % par rapport à août 1782. En août 2003, + 18.70% par rapport à août 2002, (chiffres publiées par la mairie) Bien sûr cette surmortalité n’a pas frappé la même population, en 1783 il s’est agi principalement des jeunes enfants, en 2003 les personnes âgées.

Les chiffres ainsi relevés sont en concordance avec les déclarations du Dr Lépecq qui écrit, qu’il est médecin rouennais depuis 20 ans et n’a jamais eu autant de malades qu’après l’apparition du brouillard sec. Il fait de cet été 1783 une « constitution » c’est-à-dire que, conformément à l’esprit de la médecine néo-hippocratique, il déclare que les phénomènes climatiques de l’été 1783 ont apporté une grande perturbation dans la santé des normands. Pour le Dr Lépecq cette période, qui occupe une part importante de son ouvrage, est un événement majeur. Comme dans beaucoup de paroisses françaises, hiver 1783/84 a été mortifère à Rouen, janvier 1782 : 110 décès, janvier 1783 : 130 décès, janvier 1784 : 175 décès.

 

 

Remarques :

Nous observons bien souvent que le total des décès durant les MDP de 1782 a été inférieur ou égal au nombre de décès durant le seul mois d’août 1783. Cette observation a été faite 38 fois sur un recensement de 215 communes.

Exemple : Criquetot l’Esneval - 1660 hab ; MDP 1782 : 6 décès ; août 1783 : 6 décès

Petiville – 400 hab. MDP 1782 : 5 décès ; août 1783 : 6 décès

Tôtes – 500 hab. – MDP 1782 : 3 décès ; août 1783 : 7 décès

Berneval-le-Grand - 670 hab. MDP 1782 : 2 décès ; août 1783 : 13 décès

 

graph 145 cne

Cet histogramme a été réalisé à partir du recensement de 125 paroisses rurales et de 20 urbaines à l’exception de Rouen, le Havre Dieppe. Il démontre que les enfants de – 5ans sont les premières victimes. Ce phénomène se rencontre partout en France.

 

Recherches hors de Seine Maritime :

Nos investigations ne se sont pas limitées à la Seine-Maritime. Nous avons effectué des recherches aux Archives départementales et diverses communes d’Indre et Loire. Aux Archives Départementales du Loiret. Quelques communes de Loire Atlantique. Dans le Var Mairies de St Raphael, Fayence, Tourrettes. Dans les Vosges, St Dié. Dans l’Isère, Villard de Lans. Dans le Calvados, Cabours et Dives s/Mer.

En Indre et Loire :

Aux Archives Départementales nous avons eu la chance de découvrir un mémoire du Dr Moreau de Tours datant de 1987. Il a étudié une épidémie de pneumonie à pneumocoque, appelée par les médecins de l’époque « fausse péripneumonie », qui décima la population de 23 paroisses du sud de la Touraine d’octobre 1782 à février 1783. Ce mémoire est intéressant à 2 titres :

-Il relate une épidémie de pneumonie qui a perduré en France au cours des années 1782 à 1786 (A Rouen cette épidémie a eut lieu fin 1785 début 1786. Elle fit notamment des morts dans le régiment du Maréchal de Turenne qui revenait de la région de Rochefort où il avait effectué des travaux dans les marais. Les malades furent soignés par le Dr Lépecq de la Cloture qui se dévoua une fois de plus mais se heurta à l’incompréhension de l’Intendant, Mr de Villedeuil. Celui-ci prit en effet fort mal le fait que le Dr Lépecq ait tenu à visiter la caserne de Martainville10 pour y chercher la cause de cette épidémie).

D’après les relevés effectués par le Dr Moreau il a eu 163 décès à Manthelan pendant ces quatre mois. On peut estimer, d’après les moyennes habituelles à 18 le nombre des morts qui auraient pu survenir dans cette période. C’est donc 12 % de la population qui a disparu en quatre mois, une personne sur huit et surtout des adultes.

Normalement après une telle mortalité, il y aurait dû y avoir une baisse spectaculaire de décès au cours des mois des MDP 1783. Hors ce ne fut pas le cas. L’hécatombe n’est pas suivie d’une sous mortalité compensatrice. Au contraire nous restons dans la moyenne enregistrée pour ces trois années. Le Dr Moreau parle de l’ampleur d’un fléau qui, ajouté aux épidémies des années précédentes et à la rigueur de l’hiver 1783/84 (il ne fait par référence à la surmortalité due au Laki) a contribué à la dépopulation des campagnes et à la misère des habitants. Il se demande si on doit considérer cela comme un élément complémentaire au mécontentement des citoyens dans les années qui ont précédé la Révolution de 1789.

 

Dans le Loiret :

En poursuivant nos investigations dans le Loiret nous avons trouvé aux archives départementales d’Orléans une paroisse, Coullons, située en Sologne avec un taux de mortalité très important. En effet les MDP donnent les chiffres suivants : 1782 : 21 décès ; 1783 : 76 décès et 1784 : 18 décès. Le paludisme et le mal des Ardents (ergotisme) ont dû passer par là. Le décès des moins de -5ans s’élève à 9 % ce qui correspond tout à fait aux 10 % de la population solognote, que les chroniqueurs disent frappée par les fièvres intermittentes (paludisme).

 

Intéressantes observations du curé de Brulon :

Le curé Beucher de Brulon dans la Sarthe a tenu annuellement ses « remarques » sur les BMB, pendant 17 ans. Laissons-lui la parole pour nous commenter ses notes de l’année 1783.

« Cette année offre plusieurs événements dignes d’attention :

  1. L’été et l’automne 1783 ont été très beaux et très chauds. Il y a eu une récolte assez abondante en très bons bleds, grande et bonne vendange, des pommes en si grande quantité que les arbres ploient.

  2. Le 5 février commence le bouleversement de la Sicile. La Calabre est presque toute changée de place. Messine est ensevelie sous ses ruines. Le tremblement de terre a duré à plusieurs reprises pendant plus de huit jours et a été suivi non seulement de l’écroulement des édifices, mais encore de l’affaissement des montagnes…..

  3. Pendant les mois de juin et juillet, dans presque toute l’Europe, l’atmosphère était remplie d’une espèce de brouillard ou plutôt de vapeurs qui désolaient le soleil, et quand on l’apercevait, on le regardait aussi fixement que la lune sans être ébloui. Tout le peuple en était épouvanté et disait que nous allions avoir le jugement. Les physiciens ont attribué ces vapeurs aux explosions de la Sicile.

  4. Dans le mois d’août et le reste de l’automne les trois quarts du monde ont été malades et on trouvait jusqu’à quatre, cinq et même six malades par maison ; et cela universellement heureusement il ne mourrait personne. On attribuait la cause de ces maladies à la mauvais qualité des grains de la dernière récolte, ou au défaut de froid de l’hiver précédent qui à la vérité ne fut que pluvieux, ou aux vapeurs exhalées de la Sicile (provoquées par le tremblement de terre de février 1783), ou enfin aux chaleurs qui pendant plusieurs jours ont été excessives. Peut être que le tout y a contribué … »

Il parle des récoltes, de ses paroissiens et de leurs difficultés à vivre, de la montée du mécontentement du peuple. En 1788, il dit qu’il va y avoir une révolution….

 

Recherches sur Internet :

Aujourd’hui grâce à internet et à la mise en ligne par de nombreux généalogistes de leurs relevés de décès pour les années 1782 1784, de même qu’à l’accès aux BMS de 5 archives départementales nous avons pu effectuer un recensement de 430 paroisses de France et de Belgique. Nous avons donc une idée assez précise sur les événements climatiques ayant apporté leurs lots de mauvaises récoltes, de disettes, « d’émotions populaires » et malheureusement de surmortalité constatée au cours des mois d’août à octobre 1783, ainsi que pendant les mois de décembre 1783, janvier et février 1784, après que la brume d’origine volcanique ait séjourné en France pendant les mois de juin à septembre 1783.(cf histogramme recensant 76000 décès, relevés dans 430 paroisses).

graph 430 par

 

 

Relevés finistériens :

Grâce à la gentillesse de nos amis généalogistes du Finistère nous avons pu réaliser une étude sur six années (1781 à 1786) des décès pour 34 communes de cette province. Après une terrible épidémie de dysenterie qui au cours des mois d’été toucha tout l’ouest de la France et même le nord. Les MDP de l’année 1781 furent supérieurs de 5 % à ceux de l’année 1783. Par contre, concernant les mois de janvier et février 1784 la mortalité fut la plus forte des six années. Là aussi l’hiver 1784 frappa durement. Les chiffres ci-dessous mettent bien en évidence une surmortalité infantile pour les MDP 1782 à 1784. Ce qui confirme les chiffres de la Seine-Maritime.

 

Tranche d’âge

MDP 1782

MDP 1783

MDP 1784

-1an

622

1214

775

1an

22

49

46

2/5ans

136

356

273

6/10 ans

75

197

117

11/20 ans

101

224

94

21/30ans

161

221

117

31/40 ans

164

176

128

41/50 ans

149

156

93

51/60 ans

225

198

124

61/70 ans

182

194

130

71/80 ans

153

145

97

+ 81 ans

39

32

27

 

 

 

 

Total

2029

3162

2021

 

 

Conclusion  :

En 1850, le Dr Vingtrinier, médecins des épidémies de Rouen, constate que pour le département de la Seine-Maritime, le choléra avait provoqué en 1832 un excédent de 2804 morts, et en 1819 une surmortalité de 1719 décès. En 1783 et 1784 on constate une surmortalité de 1221 personnes pour 145 communes. Nous pouvons affirmer sans trop nous tromper que, pour la Seine-Maritime, les pollutions du Laki et de l’Asama réunies ont été aussi meurtrières que l’épidémie de choléra de 1832 Comme le curé de Manthelan, près de Tours, beaucoup de curés de notre généralité, auraient pu écrire en fin de leurs registres paroissiaux en 1783 « quel désastre pour ma paroisse ».

Dans le futur l’éruption du Laki se reproduira, souvenons nous que le panache mantellique est toujours présent. Que deviendront alors les 250000 islandais. Une pollution volcanique comme en 1783 sur l’hémisphère Nord est tout le trafic aérien et maritime s’arrête, et les habitants de l’hémisphère nord en « prendront plein les poumons ».

 

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